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Question 13: Conclusion

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Participant:Conférence_évêques_catholiques
Date: 2003-05-01 20:55:09
Réponses:
Trois pierres d’assise morales : la dignité humaine, la solidarité et la subsidiarité

Contribution de la Commission épiscopale des affaires sociales de la Conférence des évêques catholiques du Canada
au
Dialogue sur la politique étrangère
mené par monsieur Bill Graham, ministre des Affaires étrangères

1 mai 2003

« Vois, je te propose aujourd’hui le choix entre vie et bonheur, mort et malheur …Choisis donc la vie, afin que tu vives » ! (Dt 30 15-19)

1. Les choix que nous faisons tous les jours reflètent notre engagement à réaliser la vision du monde que nous souhaitons voir prendre forme pour nos enfants et pour les communautés qui nous sont proches. Combien plus encore les choix faits par les leaders politiques – responsables de la direction politique de sociétés entières et à qui nous demandons de prendre des décisions pour toutes et tous – sont-ils porteurs de bien ou de mal, de vie ou de mort ! Nous devons prendre de plus en plus conscience du fait que nos choix personnels et de société affectent les possibilités de vie d’autres familles et de communautés complètes partout sur la planète, aujourd’hui et pour les générations à venir. Oui vraiment, les intérêts de la politique étrangère du Canada sont le mieux servis lorsque nous permettons à la vie et au bien de guider les solutions globales à proposer pour répondre aux problèmes globaux que notre pays a en commun avec le reste du monde.

2. Dans ce contexte de responsabilité mondiale mutuelle, les évêques canadiens désirent féliciter le ministre des Affaires étrangères du Canada, monsieur Bill Graham, d’avoir lancé un Dialogue sur la politique étrangère. Quelle contribution les évêques canadiens peuvent-ils offrir à cet exercice? En plus de brèves réflexions sur les piliers de la politique étrangère canadienne, qui nous donneront l’occasion de mentionner des domaines spécifiques qui nous préoccupent, nous pouvons apporter au débat une vision de la vie et du bien découlant des trois pierres d’assise morales de l’enseignement social de l’Église : la dignité humaine, la solidarité et la subsidiarité. Les politiques étrangères doivent être analysées à la lumière des principes de justice sociale; nous référons par là au « respect de l’option préférentielle pour les pauvres à qui on doit permettre de prendre leur place [dans une économie globalisée], et aux exigences du bien commun international » .

3. Comme le souligne le document d’appui au dialogue présenté par le ministre des Affaires étrangères, depuis la publication en 1995 de Le Canada dans le monde, les trois piliers de la politique étrangère du Canada étaient : la protection de notre sécurité dans un cadre mondial stable, la promotion de la prospérité et de l’emploi, et la promotion des valeurs et de la culture que chérissent les Canadiennes et les Canadiens. Une brève réflexion sur chacun de ces piliers éclairera notre pensée sur le thème plus général d’une politique étrangère en vue d’apporter vie et bien à toutes et à tous.

La protection de notre sécurité

4. Pouvons-nous nous sentir en sécurité dans un monde où il y a 34 145 armes atomiques? Bien que le Canada condamne toute volonté des pays non alliés à se doter d’armes nucléaires, il persiste à considérer ces mêmes armes comme des éléments utiles – et même nécessaires –de la défense du Canada et de ses alliés (OTAN) . Les évêques du Canada par le passé non seulement se sont opposés aux essais nucléaires, mais ont également insisté pour que le Canada « prenne un nouvel engagement envers ce que nous considérons être un des défis spirituels les plus profonds de notre époque – le défi de débarrasser le monde des plans et des moyens conduisant à l’annihilation nucléaire » . Le Canada devrait accroître ses efforts pour l’élimination de toutes les armes nucléaires.

5. Il y avait dans la politique étrangère du Canada le souci positif d’élargir la notion de sécurité au-delà du concept traditionnel de sécurité se rapportant à des préoccupations certes importantes tels le désarmement nucléaire, le contrôle des armes légères et même récemment les craintes renouvelées de terrorisme, pour l’amener à englober « la sécurité humaine » . Une telle approche reconnaît qu’en plus de la vie et de la sécurité des personnes, on doit protéger les droits civils, économiques, religieux et culturels si la sécurité doit acquérir son sens plénier. Une telle notion de sécurité humaine trouve bien sa place dans le principe de la dignité humaine, qui est commune à tout être humain sans exception, puisque toute personne a été créée à l’image et à la ressemblance de Dieu .

6. Nous devons toujours encourager les décideurs politiques du Canada à considérer les préoccupations de sécurité dans la perspective de “la sécurité humaine” dans son sens le plus large. Une telle vision du rôle du Canada dans le monde comporte des implications profondes. Elle peut influer sur notre capacité limitée de dépense à des fins de défense et la tourner vers les priorités de maintien de la paix et de construction de la paix, de manière à s’assurer que les forces canadiennes de maintien de la paix ont la formation et les outils requis pour accomplir leur mandat. Le gouvernement du Canada doit manifester son leadership dans la promotion d’une « paix juste » dans les terribles situations de conflits (tel qu’au Congo) pour que l’attention de la communauté internationale et des médias de masse soit davantage éveillée. Cela veut aussi dire que le Canada doit établir des principes et des critères pour guider nos compagnies privées travaillant en situation de conflit international, afin d’assurer qu’elles respectent les droits humains des populations locales et que les revenus que les gouvernements nationaux tirent de ces opérations ne servent pas à la poursuite de conflits militaires .

7. En dernier lieu, et bien qu’on pourrait élaborer plus longuement sur ce sujet, nous devons mentionner les interventions soutenues des évêques canadiens au cours de l’année écoulée, souvent avec des partenaires oecuméniques , en opposition à la guerre en Iraq. Dans la déclaration la plus récente de leur Conseil permanent, les évêques ont salué les efforts du gouvernement canadien pour ne pas s’impliquer dans le conflit et ont appuyé le premier ministre dans chacun de ses gestes en faveur de la solidarité internationale et d’une paix durable .

La promotion de la prospérité et de l’emploi

8. Ce serait une contradiction dans les termes de penser que les Canadiennes et les Canadiens puissent “prospérer” alors que 2,8 millions de personnes vivent avec un revenu de moins de 2 $ par jour. « Le fait même que l’humanité, appelée à former une unique famille, soit encore cassée en deux de façon tragique par la pauvreté … révèle l‘urgent besoin de reconsidérer les modèles qui inspirent les politiques de développement » . Nous devons prendre conscience que ce qui est bon pour le reste du monde, spécialement pour le Sud, est également bon pour le Canada. Un point de départ important d’une telle reconsidération serait de reconnaître que les politiques économiques néolibérales, qui privilégient la croissance économique axée sur la consommation sans cesse croissante d’un petit nombre, ne peuvent pas conduire à la prospérité économique pour toutes et tous.

9. Ce serait également une contradiction de penser que les êtres humains puissent “prospérer” alors que 25 % des quelque 4 630 espèces de mammifères du monde, 11 % des 9 675 espèces d’oiseaux, 20 % des espèces de reptiles, 25 % des espèces d’amphibiens et 34 % de toutes les espèces de poisson sont en grand danger d’extinction totale . C’est pourtant là la réalité désolante de notre monde écologiquement et économiquement divisé. Le principe de solidarité, décrit de façon magnifique par le pape Jean-Paul II comme n’étant un sentiment de compassion vague ou d’attendrissement superficiel pour les maux subis par tant de personnes (mais) … la détermination ferme et persévérante de travailler pour le bien commun » , doit guider notre volonté de reconsidérer ce qu’est une authentique prospérité pour toutes les personnes, les autres espèces et la Terre .

10. Une reconsidération aussi fondamentale de la prospérité, fondée sur un engagement nouveau pour la solidarité, alignera précisément les priorités de la politique étrangère du Canada sur la réalisation des objectifs de développement du millénaire pour 2015 . Cela implique que l’aide au développement outre-mer du Canada augmente de plus que le 8 %, bienvenu mais inadéquat, annoncé dans le récent budget fédéral. Cela exigera aussi de modifier les priorités de cette aide, de renforcer l’appui aux ONG et aux gouvernements qui se concentrent sur la réduction de la pauvreté et sur la durabilité écologique, de même qu’un engagement plus prononcé à faire face au fléau de la pandémie VIH/SIDA . De plus, le Canada devrait renouveler son leadership pour l’annulation du fardeau de la dette des pays du Sud global. Les Églises canadiennes ont depuis longtemps fait de l’annulation des dettes un objet de leurs préoccupations. L’action pour remettre les dettes est une condition sine qua non du développement juste, encore plus pour atteindre les objectifs de développement du millénaire. Malheureusement le document de réflexion, publié pour appuyer le réexamen de la politique étrangère, ne mentionne même pas cet enjeu .

11. Amartya Sen, lauréat du prix Nobel, affirme que « la mondialisation des marchés constitue en elle-même une approche très inadéquate à la prospérité du monde » . Ainsi, bien que les négociations sur le commerce international puissent permettre au marché de jouer son rôle spécifique, la libéralisation du commerce ne doit pas compromettre l’intégrité des services financés publiquement (tels l’approvisionnement en eau, la santé et l’éducation), ni bloquer l’accès aux biens publics (par exemple, les médicaments pour la survie ou les biens culturels), ni menacer la sécurité alimentaire . Nous avons pris connaissance de l’évaluation des évêques du Mexique selon laquelle « les résultats de cet accord (l’ALENA, en force depuis 1994) furent bénéfiques pour certaines régions et certains cultivateurs dans le pays, mais la majorité des agriculteurs, des petits paysans et des agriculteurs autochtones ont vu leurs revenus et la qualité de leur vie décliner sévèrement » . Quant à nous, nous avons déjà exprimé nos préoccupations que le mécanisme de l’ALENA relatif à l’État investisseur et son intégration dans le projet de Zone de libre échange des Amériques (ZLEA) ne menacent la capacité des États souverains à adopter des lois de protection de l’environnement . C’est pour cette raison que nous nous réjouissions de voir un comité parlementaire recommander que « les clauses semblables à celle de l’ALENA portant sur l’État investisseur soient exclues de l’accord sur la ZLEA » . Pour assurer la cohérence des initiatives du Canada en matières étrangères, les politiques sur le commerce international doivent aussi contribuer à la prospérité globale, définie de façon à atteindre les objectifs de développement du millénaire par davantage d’actions de solidarité.

La promotion des valeurs et de la culture canadiennes

12. Les valeurs canadiennes s’expriment de la façon la plus claire dans nos actions internationales pour défendre et promouvoir les droits humains de tout le monde. « L’Évangile nous montre comment le Christ a insisté sur la place centrale de la personne humaine dans l’ordre naturel (voir Lc 12 22-29) et dans les ordres social et religieux, même à l’encontre des exigences de la Loi (voir Mc 2 27), en prenant la défense des hommes, des femmes (Jn 8 11) et même des enfants (Mt 19 13-15), qui en son temps et dans sa culture occupaient une position inférieure dans la société. La dignité de l’être humain en tant qu’enfant de Dieu est la source des droits humains et des devoirs qui leur correspondent » .

13. Selon le principe de subsidiarité qui insiste sur la participation dans la prise de décision et qui permet à de nouveaux acteurs d’exercer leurs droits humains et leurs responsabilités, la politique étrangère du Canada doit garder une certaine indépendance qui respecte les valeurs de notre peuple. Il est impossible de ne pas reconnaître que le Canada est une puissance moyenne géographiquement située à côté de l’unique superpuissance de la planète. Notre intégration à l’économie américaine (qui achète plus de 85 % de nos exportations) s’est accrue à la suite des accords de libre échange, et elle influence la marge de manœuvre dont nous disposons dans tout un éventail de politiques non économiques. Néanmoins, des amis doivent être capables de communiquer de façon honnête et toujours respectueuse, même lorsque des désaccords surviennent périodiquement. Heureusement, les liens positifs de confiance s’approfondissent entre nos deux peuples à travers les expressions diversifiées des réseaux de la société civile (nous pensons aux relations nombreuses et excellentes qui existent par exemple entre les Églises américaine et canadienne). Il s’agit là de signes encourageants de la maturité de rapports d’indépendance dans une interdépendance croissante.

14. Les valeurs canadiennes dans les affaires internationales, s’exprimant surtout par le respect profond des droits humains, doivent aussi se fonder sur des rapports justes entre les peuples. L’interdépendance est une réalité qui ne s’impose pas uniquement dans les relations bilatérales mais aussi au plan de la communauté mondiale. Les institutions de gouvernance mondiale, particulièrement les nombreuses organisations du système des Nations Unies, sont des mécanismes vitaux et privilégiés pour développer les droits humains, pour construire la paix, et pour renforcer la solidarité et la participation de la société civile. Bien que le système de gouvernance des Nations Unies souffre d’un évident besoin de réforme, on doit y voir un défi normal du progrès de l’histoire, sans toutefois oublier que des changements profonds s’imposent également dans les structures de l’architecture économique mondiale, des institutions de Bretton Woods en particulier. Les nombreux engagements historiques du Canada envers le multilatéralisme demeurent des expressions valides de notre volonté commune de promouvoir nos valeurs aujourd’hui.

Conclusion

15. La politique étrangère du Canada doit être le reflet des choix que nous sommes toutes et tous conviés à faire pour la vie et pour le bien, au nom des Canadiennes et des Canadiens, mais aussi pour les autres membres de la famille humaine. De manière plus précise encore, puisque les Saintes Écritures nous rappellent que Dieu écoute le cri des pauvres (Ps 34 7), l’Église doit s’efforcer de répondre aux personnes les plus démunies. Une politique étrangère canadienne rajeunie, et basée sur les principes du respect de la dignité humaine, de la solidarité et de la subsidiarité, constituerait un levier d’action pour que le monde « ait la vie et qu’il l’ait en abondance » .
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