Juin 2003
L'avenir de la politique étrangère du Canada dépend de notre aptitude à tirer parti des attributs qui nous sont propres en cette époque de bouleversements et d'incertitudes. Par sa diversité, notre société est un microcosme des peuples de la planète; les caractéristiques géographiques et démographiques du Canada nous aident à développer un intérêt général pour les affaires mondiales; parmi les économies du G7, la nôtre est celle qui est la plus axée sur le commerce. Nous entretenons avec les États-Unis des rapports profonds et très étendus. Compte tenu de ces atouts, qui sont loin d'être les seuls, les Canadiens et les Canadiennes savent que leur pays occupe une position privilégiée qui leur permet d'affirmer une présence distinctive dans l'arène mondiale. Ils croient aussi qu'en cette époque de transformations profondes, le Canada doit réfléchir sur les options qui s'offrent à lui au moment de relever les défis internationaux contemporains. Afin de s'acquitter de cette tâche, tout en reflétant les valeurs, intérêts et aspirations des Canadiens, notre politique étrangère doit s'inspirer le plus largement possible des opinions de nos citoyens.
À cette fin, j'ai lancé en janvier dernier Un dialogue sur la politique étrangère, c'est-à-dire un document de réflexion assorti d'un vaste programme de consultations. Le présent rapport est le premier résultat de ce dialogue. Il résume les points de vue exprimés par les Canadiens de toutes les régions du pays au cours des derniers mois. Les opinions et les avis éclairés des citoyens nous ont été extrêmement précieux : grâce à eux, mes collègues au sein du gouvernement et moi-même avons appris quelles sont leurs préoccupations et leurs priorités, et de quelle façon ils souhaitent que le Canada agisse pour bâtir un monde meilleur pour nous et pour ceux qui habitent au-delà de nos frontières. Ces points de vue éclaireront les discussions que je tiens avec mes collègues du Cabinet et mes collaborateurs du Ministère dans notre travail de mise au point des politiques et des mesures à prendre pour établir les orientations et priorités de la politique étrangère dans les années qui viennent. En présentant ce rapport à la population, je tiens à remercier les milliers de personnes qui ont bien voulu participer à cet exercice.
Dans le cadre de ces consultations, j'ai pris part à des assemblées publiques partout au pays; j'ai participé au Forum national des jeunes et à plusieurs tables rondes d'experts. J'ai également comparu devant le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international de la Chambre des communes, dont l'apport au Dialogue a été considérable et qui a aussi produit un rapport sur l'avenir des relations nord-américaines et en prépare un autre sur les relations entre le Canada et le monde musulman. Par le truchement d'autres discussions publiques et de mémoires écrits, nous avons reçu les opinions des parlementaires, des gouvernements provinciaux et territoriaux, de chercheurs universitaires, d'organismes de la société civile, d'organisations de gens d'affaires et de citoyens de tout le pays. Sur le site Web du Dialogue, des milliers de visiteurs ont téléchargé le document de réflexion, exprimé leurs opinions, pris part à des discussions interactives et consulté des résumés hebdomadaires des points de vue présentés.
Les opinions reçues rendent compte à la fois de l'étendue des consultations et de l'intérêt accru que manifestent les Canadiens pour la politique étrangère, en particulier en cette période de tensions internationales avant, pendant et après la guerre en Iraq. Il va sans dire que les opinions diffèrent sur cette question et sur bon nombre d'autres sujets importants relevés dans le rapport, mais on constate aussi beaucoup de points communs. La grande majorité des participants au Dialogue croient fermement que la meilleure façon pour le Canada de contribuer à la sécurité mondiale est de poursuivre ses efforts, au sein des Nations Unies, en vue de raffermir un système multilatéral qui repose sur la primauté du droit. Les Canadiens souhaitent par contre une réforme des organisations internationales, y compris les Nations Unies, car ils sont conscients de la nécessité d'institutions multilatérales efficaces pour servir nos propres intérêts à long terme et pour atteindre les objectifs que partagent tous les peuples de la terre, soit la sécurité, la prospérité, la justice et la viabilité de l'environnement.
La plupart des participants soulignent également que le Canada, en tant qu'ami de longue date, voisin et allié de la seule superpuissance mondiale, se doit de faire du maintien de relations étroites avec les États-Unis une des priorités fondamentales de sa politique étrangère. Certes, les opinions divergent quant aux meilleurs moyens de préserver notre capacité souveraine d'agir conformément aux valeurs et aux intérêts des Canadiens tout en tirant parti des bienfaits que nous confèrent nos liens avec notre voisin. Les citoyens reconnaissent néanmoins qu'une gestion habile des différends qui nous opposent parfois aux États-Unis doit s'inscrire dans un engagement à long terme visant à raffermir nos rapports avec eux de manière à pouvoir atteindre les nombreux objectifs communs à nos deux pays.
Le rapport qui suit s'inspire du principe général qui sous-tend le Dialogue lui-même : la politique étrangère du Canada doit tenir compte d'un vaste éventail d'opinions représentant pleinement la diversité de la population et des régions du pays. Cette conviction, qui a guidé nos consultations, se reflète également dans le rapport. Au moment de dresser la synthèse des avis très divers et très nombreux qui nous ont été communiqués, nous avons voulu rendre compte de façon précise et équilibrée des opinions exprimées par les Canadiens et les Canadiennes. Même s'il n'était pas possible d'exposer ici toutes les propositions et tous les points de vue, tous ceux-ci ne nous seront pas moins utiles dans notre travail de formulation de la politique étrangère au cours des mois et des années à venir.
J'ai eu le grand privilège de bénéficier des connaissances et de l'expérience dont les Canadiens ont bien voulu fait part dans le cadre des discussions qui ont marqué le Dialogue. J'ai été particulièrement frappé par certains thèmes qui ont été évoqués maintes fois à travers le pays. Compte tenu du nouvel environnement de sécurité dans lequel nous vivons, les Canadiens appuient vigoureusement une vision élargie de la sécurité, suivant laquelle notre propre sécurité est intimement liée à la stabilité, au développement ordonné et à la prospérité de la communauté mondiale, ainsi qu'au respect des droits fondamentaux et au développement démocratique des peuples à travers le monde. Ils souhaitent que le Canada joue un rôle actif dans l'arène internationale, mais d'une façon qui rende compte des réalités de l'interdépendance mondiale, de la nature complexe des menaces auxquelles nous confronte le XXIe siècle ainsi que de la nécessité d'une approche intégrée dans laquelle la diplomatie, la capacité de défense et l'aide au développement se conjuguent pour servir les objectifs canadiens.
Partout au pays, des participants m'ont dit qu'il faut que les bienfaits de la mondialisation soient partagés plus équitablement au sein des pays et entre ceux-ci afin que soient réalisées les promesses offertes par l'économie de marché, la démocratie et le libre-échange, qui ont si profondément transformé l'ordre mondial au cours des dernières décennies. Nos valeurs et nos intérêts à long terme touchant la prospérité et la stabilité, m'ont dit les Canadiens, exigent du Canada qu'il s'emploie plus activement à faire en sorte que, de par le monde, des millions de personnes récoltent les fruits du nouveau système économique mondial.
J'ai aussi été frappé par le vif désir des Canadiens de voir notre pays mieux connu à l'étranger dans toute sa diversité, ses possibilités et ses compétences, que ce soit par l'entremise de l'éducation et de la culture, par la promotion du commerce et les contacts diplomatiques, ou par les réalisations concrètes découlant du renouvellement des priorités de la politique étrangère. Enfin, le degré élevé de participation manifesté lors des assemblées publiques, dans les débats sur le site Web et les nombreux mémoires écrits a confirmé à quel point les Canadiens croient vivement que l'implication directe des citoyens doit rester un élément central de l'art de gouverner, aussi bien dans l'élaboration de notre politique étrangère que dans la réforme et le renouvellement des modes de gouvernance multilatéraux.
Les recommandations résumées dans ce rapport occuperont une place cruciale dans la formulation des politiques qui nous occupera au cours des mois qui viennent. À ce moment critique de l'évolution mondiale, votre apport nous aidera à établir les orientations de la politique étrangère et à renforcer la voix du Canada à l'étranger. Je remercie tous ceux et toutes celles qui ont pris part au Dialogue, et j'exprime l'espoir que se poursuivent les discussions avec la population au sujet de l'engagement de notre pays dans le monde. Votre participation contribue à revigorer notre démocratie et notre politique étrangère.
Voilà une excellente occasion d'avoir son mot à dire en tant que Canadien. C'est là un des nombreux avantages qu'il y a à vivre dans une société libre et démocratique. En répondant, j'ai eu le sentiment de pouvoir exprimer mon point de vue et d'être entendu.- Un participant
Le Dialogue sur la politique étrangère a été inauguré officiellement le 22 janvier 2003 par le lancement d'un document de réflexion passant en revue les principaux développements qui s'étaient produits depuis la publication en 1995 du dernier énoncé de la politique étrangère du gouvernement, lequel définissait les trois « piliers » que la sont la sécurité, la prospérité et les valeurs et la culture. Le document de réflexion posait 12 questions pour lancer le débat. Au même moment, on inaugurait aussi un site Internet (www.dialogue-politique-etrangere.ca) où les visiteurs pouvaient télécharger le document de réflexion, répondre aux questions en ligne, consulter diverses ressources d'information et prendre part à un forum électronique.
Les consultations publiques se sont déroulées sur plusieurs plans à la fois :
Certains aspects du Dialogue, notamment les assemblées publiques tenues par le Ministre et la création du site Web, représentaient un élément nouveau dans les consultations sur la politique étrangère du Canada. D'aucuns ont critiqué les paramètres du Dialogue, réclamant une étude plus ample et plus approfondie menée sur une période plus longue, tandis que d'autres auraient souhaité que la politique étrangère et les politiques de défense et de sécurité fassent l'objet d'un examen conjoint, qu'on accorde plus d'importance aux diverses régions du monde ou qu'on fasse preuve d'une réceptivité accrue aux préoccupations des régions canadiennes. La plupart des participants et des participantes ont toutefois reconnu que le Dialogue offrait à la population une occasion inédite de participer directement à la formulation de la politique étrangère. Pour donner un aperçu de leurs contributions, on trouvera des citations en caractères italiques tout au long du présent rapport.
Questions posées dans le document de réflexion :
En répondant à ces questions, les participants ont souvent rappelé le contexte international dans lequel le Canada doit établir les priorités de sa politique étrangère pour les années à venir. Certaines des circonstances évoquées reflètent l'émergence de nouvelles tendances, tandis que d'autres traduisent la persistance ou la multiplication de difficultés qui sollicitent notre attention au même titre que les événements soulignés dans les manchettes. Des millions de personnes de par le monde vivent dans la pauvreté extrême ou dans un climat de violence et d'insécurité, et les Canadiens sont conscients du fait que les crises internationales qui surviennent abruptement – les attentats du 11 septembre 2001 étant l'exemple le plus spectaculaire en ce début de siècle – masquent un ensemble de conditions complexes qui existent de longue date. C'est là pourquoi une politique étrangère judicieuse doit adopter une approche où des investissements opportuns dans la sécurité et la prospérité mondiales contribuent à la sécurité et à la prospérité des Canadiens et des Canadiennes dans leur propre pays.
Le phénomène de la mondialisation est un autre thème vivement débattu par les participants, qui sont nombreux à l'associer aux préoccupations relatives à l'équité, à la gouvernance démocratique et à la viabilité de l'environnement. D'autres rappellent que l'expansion des marchés, les progrès des communications et l'ouverture des sociétés peuvent engendrer d'immenses bienfaits dans la vie de millions d'êtres humains et que la multiplication des interconnexions mondiales favorise la transmission du savoir et la création d'une grande variété de réseaux transnationaux, notamment au niveau des médias et de l'activisme de la société civile. Par ailleurs, l'ouverture croissante des frontières à la diffusion des idées et des biens peut aussi provoquer des tensions sociales ou susciter des inquiétudes à propos de l'érosion de la souveraineté politique et culturelle. Et bien sûr, cette ouverture et ces interconnexions favorisent aussi la diffusion de nouvelles formes de terrorisme, des activités criminelles, des maladies infectieuses et de l'instabilité économique. Il en résulte un brouillage de la distinction traditionnelle entre les questions « extérieures » et « intérieures » qui exige, les Canadiens en sont conscients, que les approches en matière de politique étrangère soient actualisées et adaptées aux nouvelles circonstances.
Dans les interventions concernant la substance générale et l'efficacité de la politique étrangère du Canada, certains participants ont recommandé instamment que soient redéfinis les trois piliers qui servent présentement à conceptualiser les orientations de la politique étrangère, ou bien qu'ils soient reformulés en vue de les intégrer davantage. On peut percevoir, derrière les opinions exprimées dans le cadre du Dialogue, le souhait que soit mis en place un cadre de politique étrangère qui soit mieux intégré et qui reflète de plus près les valeurs et les intérêts des Canadiens, qui permette d'atteindre certains objectifs fondamentaux et qui tienne compte de manière explicite de la situation et des responsabilités internationales du Canada. Certains participants remettent en question les postulats actuels et réclament que soient incluses des priorités négligées. On constate néanmoins un large consensus au sujet d'une bonne partie des orientations de la politique étrangère depuis 1995. Il est rare que ceux qui relèvent des faiblesses ou des lacunes dans la politique actuelle soient d'avis que le Canada devrait jouer un rôle amoindri ou changer radicalement d'orientation; bien au contraire, beaucoup craignaient qu'il ne perde de son influence et souhaitent un renforcement de son rôle international. De nombreux participants expriment le vœu que le Canada établisse et maintienne une présence internationale plus importante, s'emploie à mettre en application les principes déclarés et accroisse la cohérence de ses politiques.
Les valeurs canadiennes que sont le multiculturalisme, le bilinguisme, le fédéralisme et notre engagement envers la tolérance en tant que société – même s'il arrive souvent que nous soyons loin du but – sont des valeurs dont nous pouvons être fiers sur le plan international. Elles mènent tout naturellement à ce qui, me semble-t-il, est la valeur fondamentale que le Canada devrait poursuivre par sa politique étrangère, à savoir le multilatéralisme et le développement d'institutions internationales pour la sécurité, les droits de l'homme, la protection de l'environnement et des rapports commerciaux équitables.- Un participant
Presque tous les participants estiment que la politique étrangère du Canada doit être fortement ancrée dans un ensemble de valeurs complémentaires et dans une vision internationaliste de ses intérêts à long terme. Parmi les objectifs fréquemment mentionnés à cet égard, on peut citer la consolidation de la paix, les droits de la personne, la justice sociale et économique, le partage avec les personnes dans le besoin, la protection de l'environnement, le pluralisme démocratique et la diversité culturelle. Plusieurs ont souligné que ce sont là des objectifs de longue date, largement partagés par les Canadiens, et qu'ils sont à la base de nombreuses institutions et ententes internationales. Dans cette optique, il faut voir dans la promotion des valeurs canadiennes non seulement un élément du « troisième pilier » projetant l'identité du Canada à l'étranger, mais un principe fondamental de la politique étrangère dans son ensemble. Certains estiment que les valeurs exprimées dans nos actions internationales doivent rendre compte de la diversité de notre société économique, ne doivent pas être imposées aux autres et doivent être appliquées avec une cohérence égale à nos activités à l'intérieur et à l'extérieur du pays. Un participant a notamment fait remarquer que
pour pouvoir prétendre à l'application des principes éthiques les plus élevés dans nos relations internationales, nous devons veiller au respect de nos engagements envers ces idéaux chez nous. Nous devons mettre en pratique ce que nous prêchons.
Aux yeux de la plupart, la promotion de nos valeurs et la poursuite de nos intérêts sont complémentaires : il y va de l'intérêt à long terme du Canada, en tant que membre responsable et respecté de la communauté internationale, d'adopter des positions fondées sur des principes. Certains soulignent toutefois que les valeurs et les intérêts auxquels le Canada souscrit à l'étranger doivent être éclairés par une évaluation réaliste de notre position sur l'échiquier mondial et de nos capacités d'action.
L'évolution de la situation mondiale au cours de la dernière décennie, mise en lumière par les événements observés ces derniers mois, confirme que nous ne pouvons réaliser ou maintenir notre prospérité économique nationale isolément et sans parallèlement porter attention à la promotion de la sécurité humaine dans le monde. Il convient que la politique étrangère canadienne rende compte de l'importance que les Canadiens attachent au respect des droits de l'homme, à l'égalité des sexes, à la justice sociale et économique, et à la viabilité de l'environnement. Les Canadiens tiennent à ce que les habitants des autres régions du globe voient leur niveau de vie s'améliorer et puissent s'exprimer librement et vivre dans la paix et la sécurité. De plus en plus, ils reconnaissent qu'il s'agit là de biens publics : si la situation ailleurs ne s'améliore pas, le bien-être des Canadiens s'en trouve diminué.- Un participant
Le Canada doit appuyer et promouvoir activement le principe suivant lequel ce n'est qu'en adoptant de façon non équivoque et sans faille la gamme complète des normes universelles des droits de l'homme que les gouvernements pourront offrir à leurs populations un véritable climat de sécurité à long terme.- Un participant
Les participants souhaitent vivement que la sécurité des personnes, au même titre que la sécurité des États, soit une priorité constante de la politique étrangère du Canada. Ils reconnaissent que ce dernier s'est déjà acquis une réputation internationale de haut niveau eu égard à la sécurité humaine, grâce notamment aux campagnes en vue d'interdire les mines antipersonnel et de mettre sur pied la Cour pénale internationale. Les Canadiens adhèrent déjà à une conception élargie de la sécurité qui englobe la protection des droits fondamentaux axés sur la personne humaine, et plusieurs participants ont pressé le Canada d'exercer une action vigoureuse dans l'arène internationale en faveur des droits de la personne et des libertés démocratiques. Ils soulignent également que nous devons porter une attention particulière aux besoins et aux droits en matière de sécurité pour les femmes et les enfants.
De nombreux participants soulignent que la promotion de la sécurité humaine et des droits de la personne doit aller au-delà des protections civiles et politiques (forces de maintien de la paix, police, etc.) pour s'attaquer aux conditions socio-économiques, culturelles, environnementales et autres qui sont à l'origine de graves violations des droits et de situations de violence et d'instabilité dans certaines régions du globe. De façon générale, on estime que le Canada doit contribuer activement au développement de sociétés démocratiques et stables.
Le Canada dépend étroitement de son allié le plus proche et il va sans dire que ces liens doivent être maintenus. Il doit néanmoins rester fidèle aux valeurs et aux convictions de ses propres citoyens.- Un participant
Pour la plupart, les participants au Dialogue reconnaissent que le maintien de relations étroites avec les États-Unis est une priorité fondamentale de notre politique étrangère, aussi bien à cause de notre situation géographique qu'en raison des innombrables liens qui nous unissent sur le plan social et économique et en matière de sécurité. Les opinions diffèrent quant aux choix que le Canada devrait faire en ce qui concerne l'appui aux positions des États-Unis dans l'arène internationale ou l'adoption d'une position plus proprement canadienne, et on constate une divergence similaire en ce qui a trait à la marge de manœuvre nécessaire pour maintenir notre capacité souveraine de choisir. On convient cependant que les choix qui s'offrent au Canada ne devraient pas se résumer à une opposition simpliste entre l'appui inconditionnel aux politiques américaines et l'adoption d'une position ultranationaliste reposant sur des arguments spécieux.
La plupart des participants reconnaissent que nos deux pays ont en commun de nombreux objectifs de coopération aussi bien en Amérique du Nord qu'ailleurs, et que nos valeurs et nos intérêts coïncident sur plusieurs plans. Il y a néanmoins certains dossiers où il importe que le Canada établisse une politique qui lui est propre, les exemples les plus fréquemment cités à cet égard étant le Protocole de Kyoto et la Cour pénale internationale. De nombreux participants estiment que les rapports étroits entre le Canada et les États-Unis peuvent accommoder d'occasionnelles divergences de vues, dans la mesure où ces divergences sont exposées en termes clairs et dans le respect des positions de chacun. C'est là un point auquel attachent une importance toute particulière les intervenants issus du secteur privé et des gouvernements provinciaux, que préoccupent les questions de sécurité et d'accès économique.
Certains expriment leur inquiétude face à la dépendance étroite du Canada envers les marchés américains et à d'autres aspects de l'intégration des deux pays. D'autres soutiennent que le Canada doit profiter de sa situation géographique pour créer un partenariat nord-américain qui pourrait se révéler un atout important à un niveau plus général des relations internationales.
Que ce soit par inclination naturelle ou, de plus en plus, en raison de facteurs démographiques, les Canadiens sont internationalistes. [...] Il est essentiel que le Canada collabore avec d'autres pour renforcer les institutions et les régimes multilatéraux, à la fois en contribuant vigoureusement à l'élaboration plus poussée de normes mondiales et en aidant à renouveler les institutions. En toute priorité, il faut d'abord redonner leur crédibilité à l'ONU et à ses organismes et veiller à ce qu'ils retrouvent leur efficacité.- Un participant
Le Canada, multilatéraliste bien établi et capable d'exercer une certaine influence aux États-Unis, occupe une place sans égale pour ce qui est de redéfinir la base de l'« action collective » au XXIe siècle.- Un participant
L'état de tension qui caractérise l'ordre international et les institutions multilatérales à la suite des divergences qui se sont manifestées dans le contexte de la crise iraquienne, notamment à l'ONU et à l'OTAN, a lui aussi suscité un grand nombre d'observations de la part des participants. Même si les Canadiens sont très favorables aux approches et institutions multilatérales dont l'action repose sur le droit international, nombreux sont ceux qui croient que les institutions dans leur forme actuelle ont besoin d'être réformées et modernisées en profondeur. Le Conseil de sécurité de l'ONU et la Commission des droits de l'homme sont fréquemment cités à cet égard, mais des organisations économiques internationales comme le Fonds monétaire international, la Banque mondiale et l'Organisation mondiale du commerce (OMC) sont également mentionnés. Certains participants recommandent que le Canada, en tant que puissance intermédiaire médiatrice, prenne les devants dans le cadre des démarches visant à actualiser le système multilatéral et à en accroître l'efficacité afin qu'il puisse s'attaquer aux problèmes mondiaux qui ne peuvent avoir que des solutions collectives.
Si la politique étrangère est, tout au moins en partie, l'expression de notre conception du monde dans lequel nous voulons vivre, le développement durable doit à coup sûr y occuper une place centrale.- Un participant
Le Canada doit, dorénavant, s'engager plus fermement en faveur de la promotion d'accords internationaux visant à protéger l'environnement. Je pense ici plus spécifiquement à des accords de protection de la diversité biologique. Donc la promotion économique, oui, mais dans le respect de l'environnement.- Un participant
Nombreux sont les participants qui estiment que la question de l'environnement et du développement durable a une importance critique pour l'avenir du Canada et de la communauté mondiale. Certains vont jusqu'à souhaiter que le développement durable soit un « pilier » ou même le principe de base de la politique étrangère canadienne. Les recommandations formulées portent sur la promotion d'habitudes de production et de consommation favorables à l'environnement dans les pays industrialisés et les pays en développement, l'étude des changements climatiques et la ratification du Protocole de Kyoto, ainsi que la conservation de la biodiversité et la gestion des ressources renouvelables et des risques pour la santé humaine. Certains participants réclament également que le Canada appuie plus activement les technologies non polluantes et d'autres solutions pratiques aux problèmes de développement durable.
Dans le monde complexe et interdépendant d'aujourd'hui, la sécurité, la prospérité et la culture s'influencent réciproquement. Ainsi, les pays qui ne peuvent offrir un standard de vie décent à leurs citoyens ou les régimes qui refusent de le faire sont souvent parmi ceux qui souffrent le plus d'un sentiment d'insécurité et qui sont les plus enclins à faire la guerre. Le temps est venu de reconnaître ces interdépendances en faisant appel à une nouvelle façon de voir les choses, par exemple en invoquant une métaphore comme celle d'une lentille qui servirait à considérer ensemble diverses questions étroitement reliées.- Un participant
L'énoncé de politique de 1995, Le Canada dans le monde, décrivait les trois piliers comme interdépendants et se renforçant mutuellement. Plusieurs participants au Dialogue de 2003 souhaitent une intégration encore plus poussée de la politique étrangère afin de mieux comprendre les enjeux internationaux et de mieux coordonner l'action des partenaires gouvernementaux et non gouvernementaux au Canada et dans l'arène mondiale. Nombreux sont ceux qui préconisent en outre des investissements accrus dans la diplomatie, la défense et l'aide au développement afin que le Canada puisse exercer une influence plus efficace et plus profonde à l'étranger.