UN DIALOGUE SUR LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE – RAPPORT À LA POPULATION CANADIENNE

Message de l'honorable Bill Graham,
ministre des Affaires étrangères

Juin 2003

L'avenir de la politique étrangère du Canada dépend de notre aptitude à tirer parti des attributs qui nous sont propres en cette époque de bouleversements et d'incertitudes. Par sa diversité, notre société est un microcosme des peuples de la planète; les caractéristiques géographiques et démographiques du Canada nous aident à développer un intérêt général pour les affaires mondiales; parmi les économies du G7, la nôtre est celle qui est la plus axée sur le commerce. Nous entretenons avec les États-Unis des rapports profonds et très étendus. Compte tenu de ces atouts, qui sont loin d'être les seuls, les Canadiens et les Canadiennes savent que leur pays occupe une position privilégiée qui leur permet d'affirmer une présence distinctive dans l'arène mondiale. Ils croient aussi qu'en cette époque de transformations profondes, le Canada doit réfléchir sur les options qui s'offrent à lui au moment de relever les défis internationaux contemporains. Afin de s'acquitter de cette tâche, tout en reflétant les valeurs, intérêts et aspirations des Canadiens, notre politique étrangère doit s'inspirer le plus largement possible des opinions de nos citoyens.

À cette fin, j'ai lancé en janvier dernier Un dialogue sur la politique étrangère, c'est-à-dire un document de réflexion assorti d'un vaste programme de consultations. Le présent rapport est le premier résultat de ce dialogue. Il résume les points de vue exprimés par les Canadiens de toutes les régions du pays au cours des derniers mois. Les opinions et les avis éclairés des citoyens nous ont été extrêmement précieux : grâce à eux, mes collègues au sein du gouvernement et moi-même avons appris quelles sont leurs préoccupations et leurs priorités, et de quelle façon ils souhaitent que le Canada agisse pour bâtir un monde meilleur pour nous et pour ceux qui habitent au-delà de nos frontières. Ces points de vue éclaireront les discussions que je tiens avec mes collègues du Cabinet et mes collaborateurs du Ministère dans notre travail de mise au point des politiques et des mesures à prendre pour établir les orientations et priorités de la politique étrangère dans les années qui viennent. En présentant ce rapport à la population, je tiens à remercier les milliers de personnes qui ont bien voulu participer à cet exercice.

Dans le cadre de ces consultations, j'ai pris part à des assemblées publiques partout au pays; j'ai participé au Forum national des jeunes et à plusieurs tables rondes d'experts. J'ai également comparu devant le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international de la Chambre des communes, dont l'apport au Dialogue a été considérable et qui a aussi produit un rapport sur l'avenir des relations nord-américaines et en prépare un autre sur les relations entre le Canada et le monde musulman. Par le truchement d'autres discussions publiques et de mémoires écrits, nous avons reçu les opinions des parlementaires, des gouvernements provinciaux et territoriaux, de chercheurs universitaires, d'organismes de la société civile, d'organisations de gens d'affaires et de citoyens de tout le pays. Sur le site Web du Dialogue, des milliers de visiteurs ont téléchargé le document de réflexion, exprimé leurs opinions, pris part à des discussions interactives et consulté des résumés hebdomadaires des points de vue présentés.

Les opinions reçues rendent compte à la fois de l'étendue des consultations et de l'intérêt accru que manifestent les Canadiens pour la politique étrangère, en particulier en cette période de tensions internationales avant, pendant et après la guerre en Iraq. Il va sans dire que les opinions diffèrent sur cette question et sur bon nombre d'autres sujets importants relevés dans le rapport, mais on constate aussi beaucoup de points communs. La grande majorité des participants au Dialogue croient fermement que la meilleure façon pour le Canada de contribuer à la sécurité mondiale est de poursuivre ses efforts, au sein des Nations Unies, en vue de raffermir un système multilatéral qui repose sur la primauté du droit. Les Canadiens souhaitent par contre une réforme des organisations internationales, y compris les Nations Unies, car ils sont conscients de la nécessité d'institutions multilatérales efficaces pour servir nos propres intérêts à long terme et pour atteindre les objectifs que partagent tous les peuples de la terre, soit la sécurité, la prospérité, la justice et la viabilité de l'environnement.

La plupart des participants soulignent également que le Canada, en tant qu'ami de longue date, voisin et allié de la seule superpuissance mondiale, se doit de faire du maintien de relations étroites avec les États-Unis une des priorités fondamentales de sa politique étrangère. Certes, les opinions divergent quant aux meilleurs moyens de préserver notre capacité souveraine d'agir conformément aux valeurs et aux intérêts des Canadiens tout en tirant parti des bienfaits que nous confèrent nos liens avec notre voisin. Les citoyens reconnaissent néanmoins qu'une gestion habile des différends qui nous opposent parfois aux États-Unis doit s'inscrire dans un engagement à long terme visant à raffermir nos rapports avec eux de manière à pouvoir atteindre les nombreux objectifs communs à nos deux pays.

Le rapport qui suit s'inspire du principe général qui sous-tend le Dialogue lui-même : la politique étrangère du Canada doit tenir compte d'un vaste éventail d'opinions représentant pleinement la diversité de la population et des régions du pays. Cette conviction, qui a guidé nos consultations, se reflète également dans le rapport. Au moment de dresser la synthèse des avis très divers et très nombreux qui nous ont été communiqués, nous avons voulu rendre compte de façon précise et équilibrée des opinions exprimées par les Canadiens et les Canadiennes. Même s'il n'était pas possible d'exposer ici toutes les propositions et tous les points de vue, tous ceux-ci ne nous seront pas moins utiles dans notre travail de formulation de la politique étrangère au cours des mois et des années à venir.

J'ai eu le grand privilège de bénéficier des connaissances et de l'expérience dont les Canadiens ont bien voulu fait part dans le cadre des discussions qui ont marqué le Dialogue. J'ai été particulièrement frappé par certains thèmes qui ont été évoqués maintes fois à travers le pays. Compte tenu du nouvel environnement de sécurité dans lequel nous vivons, les Canadiens appuient vigoureusement une vision élargie de la sécurité, suivant laquelle notre propre sécurité est intimement liée à la stabilité, au développement ordonné et à la prospérité de la communauté mondiale, ainsi qu'au respect des droits fondamentaux et au développement démocratique des peuples à travers le monde. Ils souhaitent que le Canada joue un rôle actif dans l'arène internationale, mais d'une façon qui rende compte des réalités de l'interdépendance mondiale, de la nature complexe des menaces auxquelles nous confronte le XXIe siècle ainsi que de la nécessité d'une approche intégrée dans laquelle la diplomatie, la capacité de défense et l'aide au développement se conjuguent pour servir les objectifs canadiens.

Partout au pays, des participants m'ont dit qu'il faut que les bienfaits de la mondialisation soient partagés plus équitablement au sein des pays et entre ceux-ci afin que soient réalisées les promesses offertes par l'économie de marché, la démocratie et le libre-échange, qui ont si profondément transformé l'ordre mondial au cours des dernières décennies. Nos valeurs et nos intérêts à long terme touchant la prospérité et la stabilité, m'ont dit les Canadiens, exigent du Canada qu'il s'emploie plus activement à faire en sorte que, de par le monde, des millions de personnes récoltent les fruits du nouveau système économique mondial.

J'ai aussi été frappé par le vif désir des Canadiens de voir notre pays mieux connu à l'étranger dans toute sa diversité, ses possibilités et ses compétences, que ce soit par l'entremise de l'éducation et de la culture, par la promotion du commerce et les contacts diplomatiques, ou par les réalisations concrètes découlant du renouvellement des priorités de la politique étrangère. Enfin, le degré élevé de participation manifesté lors des assemblées publiques, dans les débats sur le site Web et les nombreux mémoires écrits a confirmé à quel point les Canadiens croient vivement que l'implication directe des citoyens doit rester un élément central de l'art de gouverner, aussi bien dans l'élaboration de notre politique étrangère que dans la réforme et le renouvellement des modes de gouvernance multilatéraux.

Les recommandations résumées dans ce rapport occuperont une place cruciale dans la formulation des politiques qui nous occupera au cours des mois qui viennent. À ce moment critique de l'évolution mondiale, votre apport nous aidera à établir les orientations de la politique étrangère et à renforcer la voix du Canada à l'étranger. Je remercie tous ceux et toutes celles qui ont pris part au Dialogue, et j'exprime l'espoir que se poursuivent les discussions avec la population au sujet de l'engagement de notre pays dans le monde. Votre participation contribue à revigorer notre démocratie et notre politique étrangère.

LES CANADIENS PRENNENT LA PAROLE...

Au sujet du Dialogue

Voilà une excellente occasion d'avoir son mot à dire en tant que Canadien. C'est là un des nombreux avantages qu'il y a à vivre dans une société libre et démocratique. En répondant, j'ai eu le sentiment de pouvoir exprimer mon point de vue et d'être entendu.
- Un participant

Le Dialogue sur la politique étrangère a été inauguré officiellement le 22 janvier 2003 par le lancement d'un document de réflexion passant en revue les principaux développements qui s'étaient produits depuis la publication en 1995 du dernier énoncé de la politique étrangère du gouvernement, lequel définissait les trois « piliers » que la sont la sécurité, la prospérité et les valeurs et la culture. Le document de réflexion posait 12 questions pour lancer le débat. Au même moment, on inaugurait aussi un site Internet (www.dialogue-politique-etrangere.ca) où les visiteurs pouvaient télécharger le document de réflexion, répondre aux questions en ligne, consulter diverses ressources d'information et prendre part à un forum électronique.

Les consultations publiques se sont déroulées sur plusieurs plans à la fois :

  • Le ministre des Affaires étrangères, Bill Graham, a tenu 15 assemblées publiques à travers le pays; plus de 3 000 personnes ont participé à ces rencontres.
  • Plus de 12 000 exemplaires du document de réflexion – intitulé Un dialogue sur la politique étrangère – ont été distribués. Le texte du document était par ailleurs accessible en ligne tout au long de l'initiative; on a enregistré 60 000 visites au site Web, et 28 000 exemplaires du document ont été téléchargés à partir de cette source. Les participants pouvaient acheminer leurs réponses aux questions ou tout autre observation par courrier électronique ou par la poste. Nous avons reçu plusieurs milliers de réponses et près de 2 000 personnes se sont inscrites au forum électronique.
  • Nous avons organisé 19 tables rondes d'experts dans diverses régions du pays, portant sur des questions liées au Dialogue. Les documents issus de ces rencontres ont été affichés sur le site Web, qui offrait aussi un accès direct à des résumés hebdomadaires des contributions au Dialogue ainsi qu'à des entrevues vidéo avec certains experts.
  • Nous avons pour la première fois tenu des rencontres officielles avec les gouvernements provinciaux et territoriaux, et certains d'entre eux ont aussi déposé des mémoires. Tous se sont félicités d'avoir été invités à participer et ont souligné qu'il importait de continuer de reconnaître leur rôle.
  • Les parlementaires ont joué un rôle important dans le débat en organisant des rencontres publiques dans leurs circonscriptions. Les audiences du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international de la Chambre des communes ont donné lieu à un document destiné au Dialogue, ainsi qu'à un rapport important sur les relations avec les États-Unis et le Mexique, intitulé Partenaires en Amérique du Nord. Le Comité déposera bientôt un autre document consacré aux rapports entre le Canada et le monde musulman.
  • De mémoires écrits ont reçus d'un grand nombre de particuliers, organisations de la société civile et associations professionnelles. Ceux qui ont été communiqués en format électronique se trouvent sur le site Web du Dialogue.
  • Les discussions consacrées à la politique étrangère dans certaines villes ont aussi donné lieu à des rapports.
  • En plus du ministre Graham, les ministres Pettigrew, Whelan, McCallum, Anderson et Augustine ont participé à des rencontres portant sur des questions liées au commerce, à l'aide internationale, à l'environnement, à la défense et aux relations interconfessionnelles. Les ministres Whelan et Anderson ont également pris part à certaines assemblées publiques.
  • En mars s'est déroulé un Forum national des jeunes consacré au thème « Le prochain Canada et le monde que nous voulons ».

Certains aspects du Dialogue, notamment les assemblées publiques tenues par le Ministre et la création du site Web, représentaient un élément nouveau dans les consultations sur la politique étrangère du Canada. D'aucuns ont critiqué les paramètres du Dialogue, réclamant une étude plus ample et plus approfondie menée sur une période plus longue, tandis que d'autres auraient souhaité que la politique étrangère et les politiques de défense et de sécurité fassent l'objet d'un examen conjoint, qu'on accorde plus d'importance aux diverses régions du monde ou qu'on fasse preuve d'une réceptivité accrue aux préoccupations des régions canadiennes. La plupart des participants et des participantes ont toutefois reconnu que le Dialogue offrait à la population une occasion inédite de participer directement à la formulation de la politique étrangère. Pour donner un aperçu de leurs contributions, on trouvera des citations en caractères italiques tout au long du présent rapport.

Orientation future de la politique étrangère

Questions posées dans le document de réflexion :

  • Quels sont les intérêts et les valeurs qui devraient avoir le plus d'importance dans l'élaboration de notre politique étrangère? Comment la politique étrangère du Canada peut-elle mieux refléter les préoccupations et les priorités des Canadiens?
  • À la lumière de l'évolution de la situation mondiale, le Canada doit-il continuer à orienter sa politique étrangère en fonction d'une stratégie reposant sur les « trois piliers », ou doit-il plutôt rechercher un nouvel équilibre?
  • Le Canada appartient à un grand nombre d'organisations internationales, y compris le G8, l'OTAN, le Commonwealth, la Francophonie, le Forum de coopération Asie-Pacifique (APEC), l'Organisation des États américains (OEA) et le Conseil de l'Arctique. Convient-il d'intensifier notre participation à ces organisations ou de la réajuster?

En répondant à ces questions, les participants ont souvent rappelé le contexte international dans lequel le Canada doit établir les priorités de sa politique étrangère pour les années à venir. Certaines des circonstances évoquées reflètent l'émergence de nouvelles tendances, tandis que d'autres traduisent la persistance ou la multiplication de difficultés qui sollicitent notre attention au même titre que les événements soulignés dans les manchettes. Des millions de personnes de par le monde vivent dans la pauvreté extrême ou dans un climat de violence et d'insécurité, et les Canadiens sont conscients du fait que les crises internationales qui surviennent abruptement – les attentats du 11 septembre 2001 étant l'exemple le plus spectaculaire en ce début de siècle – masquent un ensemble de conditions complexes qui existent de longue date. C'est là pourquoi une politique étrangère judicieuse doit adopter une approche où des investissements opportuns dans la sécurité et la prospérité mondiales contribuent à la sécurité et à la prospérité des Canadiens et des Canadiennes dans leur propre pays.

Le phénomène de la mondialisation est un autre thème vivement débattu par les participants, qui sont nombreux à l'associer aux préoccupations relatives à l'équité, à la gouvernance démocratique et à la viabilité de l'environnement. D'autres rappellent que l'expansion des marchés, les progrès des communications et l'ouverture des sociétés peuvent engendrer d'immenses bienfaits dans la vie de millions d'êtres humains et que la multiplication des interconnexions mondiales favorise la transmission du savoir et la création d'une grande variété de réseaux transnationaux, notamment au niveau des médias et de l'activisme de la société civile. Par ailleurs, l'ouverture croissante des frontières à la diffusion des idées et des biens peut aussi provoquer des tensions sociales ou susciter des inquiétudes à propos de l'érosion de la souveraineté politique et culturelle. Et bien sûr, cette ouverture et ces interconnexions favorisent aussi la diffusion de nouvelles formes de terrorisme, des activités criminelles, des maladies infectieuses et de l'instabilité économique. Il en résulte un brouillage de la distinction traditionnelle entre les questions « extérieures » et « intérieures » qui exige, les Canadiens en sont conscients, que les approches en matière de politique étrangère soient actualisées et adaptées aux nouvelles circonstances.

Dans les interventions concernant la substance générale et l'efficacité de la politique étrangère du Canada, certains participants ont recommandé instamment que soient redéfinis les trois piliers qui servent présentement à conceptualiser les orientations de la politique étrangère, ou bien qu'ils soient reformulés en vue de les intégrer davantage. On peut percevoir, derrière les opinions exprimées dans le cadre du Dialogue, le souhait que soit mis en place un cadre de politique étrangère qui soit mieux intégré et qui reflète de plus près les valeurs et les intérêts des Canadiens, qui permette d'atteindre certains objectifs fondamentaux et qui tienne compte de manière explicite de la situation et des responsabilités internationales du Canada. Certains participants remettent en question les postulats actuels et réclament que soient incluses des priorités négligées. On constate néanmoins un large consensus au sujet d'une bonne partie des orientations de la politique étrangère depuis 1995. Il est rare que ceux qui relèvent des faiblesses ou des lacunes dans la politique actuelle soient d'avis que le Canada devrait jouer un rôle amoindri ou changer radicalement d'orientation; bien au contraire, beaucoup craignaient qu'il ne perde de son influence et souhaitent un renforcement de son rôle international. De nombreux participants expriment le vœu que le Canada établisse et maintienne une présence internationale plus importante, s'emploie à mettre en application les principes déclarés et accroisse la cohérence de ses politiques.

Valeurs et intérêts des Canadiens

Les valeurs canadiennes que sont le multiculturalisme, le bilinguisme, le fédéralisme et notre engagement envers la tolérance en tant que société – même s'il arrive souvent que nous soyons loin du but – sont des valeurs dont nous pouvons être fiers sur le plan international. Elles mènent tout naturellement à ce qui, me semble-t-il, est la valeur fondamentale que le Canada devrait poursuivre par sa politique étrangère, à savoir le multilatéralisme et le développement d'institutions internationales pour la sécurité, les droits de l'homme, la protection de l'environnement et des rapports commerciaux équitables.
- Un participant

Presque tous les participants estiment que la politique étrangère du Canada doit être fortement ancrée dans un ensemble de valeurs complémentaires et dans une vision internationaliste de ses intérêts à long terme. Parmi les objectifs fréquemment mentionnés à cet égard, on peut citer la consolidation de la paix, les droits de la personne, la justice sociale et économique, le partage avec les personnes dans le besoin, la protection de l'environnement, le pluralisme démocratique et la diversité culturelle. Plusieurs ont souligné que ce sont là des objectifs de longue date, largement partagés par les Canadiens, et qu'ils sont à la base de nombreuses institutions et ententes internationales. Dans cette optique, il faut voir dans la promotion des valeurs canadiennes non seulement un élément du « troisième pilier » projetant l'identité du Canada à l'étranger, mais un principe fondamental de la politique étrangère dans son ensemble. Certains estiment que les valeurs exprimées dans nos actions internationales doivent rendre compte de la diversité de notre société économique, ne doivent pas être imposées aux autres et doivent être appliquées avec une cohérence égale à nos activités à l'intérieur et à l'extérieur du pays. Un participant a notamment fait remarquer que

pour pouvoir prétendre à l'application des principes éthiques les plus élevés dans nos relations internationales, nous devons veiller au respect de nos engagements envers ces idéaux chez nous. Nous devons mettre en pratique ce que nous prêchons.

Aux yeux de la plupart, la promotion de nos valeurs et la poursuite de nos intérêts sont complémentaires : il y va de l'intérêt à long terme du Canada, en tant que membre responsable et respecté de la communauté internationale, d'adopter des positions fondées sur des principes. Certains soulignent toutefois que les valeurs et les intérêts auxquels le Canada souscrit à l'étranger doivent être éclairés par une évaluation réaliste de notre position sur l'échiquier mondial et de nos capacités d'action.

Sécurité humaine et droits fondamentaux

L'évolution de la situation mondiale au cours de la dernière décennie, mise en lumière par les événements observés ces derniers mois, confirme que nous ne pouvons réaliser ou maintenir notre prospérité économique nationale isolément et sans parallèlement porter attention à la promotion de la sécurité humaine dans le monde. Il convient que la politique étrangère canadienne rende compte de l'importance que les Canadiens attachent au respect des droits de l'homme, à l'égalité des sexes, à la justice sociale et économique, et à la viabilité de l'environnement. Les Canadiens tiennent à ce que les habitants des autres régions du globe voient leur niveau de vie s'améliorer et puissent s'exprimer librement et vivre dans la paix et la sécurité. De plus en plus, ils reconnaissent qu'il s'agit là de biens publics : si la situation ailleurs ne s'améliore pas, le bien-être des Canadiens s'en trouve diminué.
- Un participant
Le Canada doit appuyer et promouvoir activement le principe suivant lequel ce n'est qu'en adoptant de façon non équivoque et sans faille la gamme complète des normes universelles des droits de l'homme que les gouvernements pourront offrir à leurs populations un véritable climat de sécurité à long terme.
- Un participant

Les participants souhaitent vivement que la sécurité des personnes, au même titre que la sécurité des États, soit une priorité constante de la politique étrangère du Canada. Ils reconnaissent que ce dernier s'est déjà acquis une réputation internationale de haut niveau eu égard à la sécurité humaine, grâce notamment aux campagnes en vue d'interdire les mines antipersonnel et de mettre sur pied la Cour pénale internationale. Les Canadiens adhèrent déjà à une conception élargie de la sécurité qui englobe la protection des droits fondamentaux axés sur la personne humaine, et plusieurs participants ont pressé le Canada d'exercer une action vigoureuse dans l'arène internationale en faveur des droits de la personne et des libertés démocratiques. Ils soulignent également que nous devons porter une attention particulière aux besoins et aux droits en matière de sécurité pour les femmes et les enfants.

De nombreux participants soulignent que la promotion de la sécurité humaine et des droits de la personne doit aller au-delà des protections civiles et politiques (forces de maintien de la paix, police, etc.) pour s'attaquer aux conditions socio-économiques, culturelles, environnementales et autres qui sont à l'origine de graves violations des droits et de situations de violence et d'instabilité dans certaines régions du globe. De façon générale, on estime que le Canada doit contribuer activement au développement de sociétés démocratiques et stables.

Relations canado-américaines

Le Canada dépend étroitement de son allié le plus proche et il va sans dire que ces liens doivent être maintenus. Il doit néanmoins rester fidèle aux valeurs et aux convictions de ses propres citoyens.
- Un participant

Pour la plupart, les participants au Dialogue reconnaissent que le maintien de relations étroites avec les États-Unis est une priorité fondamentale de notre politique étrangère, aussi bien à cause de notre situation géographique qu'en raison des innombrables liens qui nous unissent sur le plan social et économique et en matière de sécurité. Les opinions diffèrent quant aux choix que le Canada devrait faire en ce qui concerne l'appui aux positions des États-Unis dans l'arène internationale ou l'adoption d'une position plus proprement canadienne, et on constate une divergence similaire en ce qui a trait à la marge de manœuvre nécessaire pour maintenir notre capacité souveraine de choisir. On convient cependant que les choix qui s'offrent au Canada ne devraient pas se résumer à une opposition simpliste entre l'appui inconditionnel aux politiques américaines et l'adoption d'une position ultranationaliste reposant sur des arguments spécieux.

La plupart des participants reconnaissent que nos deux pays ont en commun de nombreux objectifs de coopération aussi bien en Amérique du Nord qu'ailleurs, et que nos valeurs et nos intérêts coïncident sur plusieurs plans. Il y a néanmoins certains dossiers où il importe que le Canada établisse une politique qui lui est propre, les exemples les plus fréquemment cités à cet égard étant le Protocole de Kyoto et la Cour pénale internationale. De nombreux participants estiment que les rapports étroits entre le Canada et les États-Unis peuvent accommoder d'occasionnelles divergences de vues, dans la mesure où ces divergences sont exposées en termes clairs et dans le respect des positions de chacun. C'est là un point auquel attachent une importance toute particulière les intervenants issus du secteur privé et des gouvernements provinciaux, que préoccupent les questions de sécurité et d'accès économique.

Certains expriment leur inquiétude face à la dépendance étroite du Canada envers les marchés américains et à d'autres aspects de l'intégration des deux pays. D'autres soutiennent que le Canada doit profiter de sa situation géographique pour créer un partenariat nord-américain qui pourrait se révéler un atout important à un niveau plus général des relations internationales.

Multilatéralisme véritable et bonne gouvernance

Que ce soit par inclination naturelle ou, de plus en plus, en raison de facteurs démographiques, les Canadiens sont internationalistes. [...] Il est essentiel que le Canada collabore avec d'autres pour renforcer les institutions et les régimes multilatéraux, à la fois en contribuant vigoureusement à l'élaboration plus poussée de normes mondiales et en aidant à renouveler les institutions. En toute priorité, il faut d'abord redonner leur crédibilité à l'ONU et à ses organismes et veiller à ce qu'ils retrouvent leur efficacité.
- Un participant
Le Canada, multilatéraliste bien établi et capable d'exercer une certaine influence aux États-Unis, occupe une place sans égale pour ce qui est de redéfinir la base de l'« action collective » au XXIe siècle.
- Un participant

L'état de tension qui caractérise l'ordre international et les institutions multilatérales à la suite des divergences qui se sont manifestées dans le contexte de la crise iraquienne, notamment à l'ONU et à l'OTAN, a lui aussi suscité un grand nombre d'observations de la part des participants. Même si les Canadiens sont très favorables aux approches et institutions multilatérales dont l'action repose sur le droit international, nombreux sont ceux qui croient que les institutions dans leur forme actuelle ont besoin d'être réformées et modernisées en profondeur. Le Conseil de sécurité de l'ONU et la Commission des droits de l'homme sont fréquemment cités à cet égard, mais des organisations économiques internationales comme le Fonds monétaire international, la Banque mondiale et l'Organisation mondiale du commerce (OMC) sont également mentionnés. Certains participants recommandent que le Canada, en tant que puissance intermédiaire médiatrice, prenne les devants dans le cadre des démarches visant à actualiser le système multilatéral et à en accroître l'efficacité afin qu'il puisse s'attaquer aux problèmes mondiaux qui ne peuvent avoir que des solutions collectives.

Développement durable

Si la politique étrangère est, tout au moins en partie, l'expression de notre conception du monde dans lequel nous voulons vivre, le développement durable doit à coup sûr y occuper une place centrale.
- Un participant
Le Canada doit, dorénavant, s'engager plus fermement en faveur de la promotion d'accords internationaux visant à protéger l'environnement. Je pense ici plus spécifiquement à des accords de protection de la diversité biologique. Donc la promotion économique, oui, mais dans le respect de l'environnement.
- Un participant

Nombreux sont les participants qui estiment que la question de l'environnement et du développement durable a une importance critique pour l'avenir du Canada et de la communauté mondiale. Certains vont jusqu'à souhaiter que le développement durable soit un « pilier » ou même le principe de base de la politique étrangère canadienne. Les recommandations formulées portent sur la promotion d'habitudes de production et de consommation favorables à l'environnement dans les pays industrialisés et les pays en développement, l'étude des changements climatiques et la ratification du Protocole de Kyoto, ainsi que la conservation de la biodiversité et la gestion des ressources renouvelables et des risques pour la santé humaine. Certains participants réclament également que le Canada appuie plus activement les technologies non polluantes et d'autres solutions pratiques aux problèmes de développement durable.

Cohérence et capacités

Dans le monde complexe et interdépendant d'aujourd'hui, la sécurité, la prospérité et la culture s'influencent réciproquement. Ainsi, les pays qui ne peuvent offrir un standard de vie décent à leurs citoyens ou les régimes qui refusent de le faire sont souvent parmi ceux qui souffrent le plus d'un sentiment d'insécurité et qui sont les plus enclins à faire la guerre. Le temps est venu de reconnaître ces interdépendances en faisant appel à une nouvelle façon de voir les choses, par exemple en invoquant une métaphore comme celle d'une lentille qui servirait à considérer ensemble diverses questions étroitement reliées.
- Un participant

L'énoncé de politique de 1995, Le Canada dans le monde, décrivait les trois piliers comme interdépendants et se renforçant mutuellement. Plusieurs participants au Dialogue de 2003 souhaitent une intégration encore plus poussée de la politique étrangère afin de mieux comprendre les enjeux internationaux et de mieux coordonner l'action des partenaires gouvernementaux et non gouvernementaux au Canada et dans l'arène mondiale. Nombreux sont ceux qui préconisent en outre des investissements accrus dans la diplomatie, la défense et l'aide au développement afin que le Canada puisse exercer une influence plus efficace et plus profonde à l'étranger.

LES TROIS PILIERS

I. Sécurité mondiale et sécurité des Canadiens

Questions posées dans le document de réflexion :

  • Quelles devraient être nos priorités lorsqu'il s'agit d'assurer la sécurité des Canadiens? Le Canada doit-il accorder plus d'importance aux opérations de combat? Ou à des activités comme la collecte et l'analyse du renseignement? Devons-nous nous concentrer sur des mesures de sécurité de portée générale, comme celles visant à contrer la dégradation de l'environnement et la propagation des maladies infectieuses? Quel rôle particulier devrions-nous jouer dans la promotion de la sécurité internationale?
  • Comment les forces armées canadiennes peuvent-elles le mieux contribuer à la réalisation de nos objectifs en matière de politique étrangère? En se concentrant sur la défense nationale et continentale? En participant aux missions de combat dans le cadre de coalitions internationales? En contribuant aux missions de paix? Ou en s'acquittant de toutes ces tâches à la fois?
  • Le Canada devrait déployer plus d'efforts pour remédier aux conditions qui provoquent les conflits et l'insécurité au-delà de nos frontières? Si oui, où doit-il le faire?

Vers une vision globale de la sécurité mondiale

Notre conception de la sécurité doit reposer sur le principe suivant lequel sans sécurité dans le monde, il ne peut y avoir de sécurité au Canada. [...] Nous ne devons pas avoir une notion étroite de la sécurité, mais nous devons comprendre qu'elle comporte des dimensions sociales, économiques, militaires, politiques et humaines.
- Un participant

Le Dialogue s'est déroulé pendant une période de fortes tensions internationales, durant laquelle la question de la guerre et de la paix préoccupait grandement la population canadienne. Dans les assemblées publiques, en particulier, on a pu observer des divergences de vues très marquées au sujet de la décision du Canada de ne pas participer à la coalition militaire dirigée par les États-Unis dans la guerre en Iraq. Une nette majorité de participants au Dialogue applaudissent à cette décision et appuient les efforts du Canada pour tenter de résoudre la crise par l'entremise des Nations Unies. Plusieurs souhaitent que le Canada s'emploie activement à faire en sorte que les institutions multilatérales, et en particulier l'ONU, participent pleinement aux activités d'après-guerre en vue de « gagner la paix », mais certains font une mise en garde à cet égard, précisant que ces mesures ne doivent pas légitimer le recours à une guerre « préventive » qui n'aurait pas reçu la sanction internationale. Nombreux aussi sont ceux qui souhaitent que le Canada contribue davantage aux efforts en vue d'éliminer les obstacles qui, à plus long terme, entravent la stabilité régionale au Proche-Orient, et en particulier en vue de résoudre le conflit israélo-palestinien.

Bien que le Canada n'ait pas été le cible directe d'actes terroristes comparables aux attentats du 11 septembre 2001, les Canadiens sont conscients du fait que la menace du terrorisme est une réalité et qu'elle a de profondes répercussions. L'immensité du territoire canadien, notre présence internationale et notre dépendance envers les échanges commerciaux, ainsi que les préoccupations au sujet de notre sécurité et de notre bien-être, incitent certains participants à demander que le Canada accroisse ses capacités de défense terrestre, maritime et aérienne contre ces menaces externes et qu'il participe aux campagnes régionales et mondiales de lutte antiterroriste.

En même temps, une majorité des participants souhaitent vivement que la promotion de la sécurité humaine au sens large par le truchement de la coopération multilatérale soit un objectif prioritaire de la politique étrangère canadienne. Selon un participant,

la définition de la paix et de la sécurité humaine doit aller bien au-delà de l'absence de violence et de guerre. La sécurité comprend le fait de réaliser les objectifs d'égalité, de santé, d'éducation, d'emploi et de démocratie. Elle ne peut exister que si l'on répond aux besoins économiques, politiques et sociaux des gens et de leur environnement.

Plusieurs soulignent que les Canadiens ne peuvent s'attendre à vivre en sécurité dans leur propre pays si on ne s'efforce pas davantage d'atténuer l'insécurité dont souffrent tellement d'êtres humains dans d'autres régions du globe. Un autre participant s'exprime en ces termes :

Le seul moyen de réaliser la sécurité consiste à collaborer avec d'autres pays afin de cerner les causes profondes de la guerre, du terrorisme et de l'agression, c'est-à-dire la pauvreté, l'ignorance, les inégalités et l'injustice, et de remédier à ces causes.

Certains soulignent aussi l'importance que revêtent, du point de vue des grandes priorités en matière de sécurité, les droits de l'enfant et de la femme ainsi que les droits des peuples autochtones et les préoccupations environnementales.

On relève divers points de vue quant à la meilleure façon dont le Canada peut promouvoir la sécurité humaine à travers le monde à l'aide de ressources limitées. Pour certains, il faut concentrer les efforts dans un nombre de secteurs plus restreint; d'autres soutiennent que le Canada doit accroître ses capacités par des moyens militaires, au besoin, lorsque la sécurité humaine et les droits des individus sont gravement menacés; d'autres encore souhaitent qu'on affecte plus de ressources au programme du Canada pour la sécurité humaine et à nos priorités internationales par l'entremise du Réseau de la sécurité humaine.

Malgré les divergences qui marquent les points de vue exprimés au sujet des priorités, le principal message qui se dégage des interventions des participants est que les Canadiens appuient largement une approche multidimensionnelle de la sécurité qui puisse s'appliquer aussi bien à la situation intérieure qu'à l'échelle internationale. La plupart reconnaissent que le Canada a besoin d'outils efficaces tels que la collecte de renseignements et la gestion des frontières pour protéger sa population et son activité économique. Ces mesures doivent cependant s'accompagner d'investissements accrus en faveur de la sécurité humaine au-delà de nos frontières. Tout en souhaitant que le Canada continue d'être une société ouverte qui participe pleinement à un monde interdépendant, les Canadiens accordent une grande importance à des politiques de paix et de sécurité internationale qui sont tournées vers l'extérieur au lieu de rechercher une sécurité illusoire derrière les murs d'une forteresse.

Une force armée bien préparée

Sans être belliqueux, notre pays ne fuit assurément pas ses responsabilités. Nos soldats, marins et aviateurs sont prêts à de grands sacrifices, et nous devons au moins leur fournir le matériel dont ils ont besoin pour bien faire leur travail en toute sécurité.
- Un participant
Les ressources militaires doivent être crédibles, modernes et aptes au combat, car ce n'est qu'à cette condition que nous pourrons contribuer à la paix internationale. Les Forces armées canadiennes doivent donc se composer de soldats professionnels, certes entraînés pour se battre et emporter la victoire, mais uniquement lorsque cela est nécessaire. Dans les autres situations, nous devons respecter le modèle de maintien de la paix préconisé par Lester B. Pearson et stabiliser la paix internationale dans un cadre solide reposant sur l'ONU et d'autres alliances.
- Un participant

De manière générale, les participants expriment un appui ferme à la participation du Canada aux missions de maintien de la paix sanctionnées par la communauté internationale et, dans une moindre mesure, aux opérations de stabilisation ou de lutte antiterroriste à plus long terme (comme en Afghanistan). Certains font remarquer que, si le Canada contribue depuis longtemps à la cause de la paix et de la liberté par ses capacités militaires, il n'a pas toujours attendu qu'un mandat de l'ONU soit adopté avant d'envoyer ses forces sur le terrain. De nombreux participants s'inquiètent de l'état actuel des Forces armées canadiennes, que la plupart considèrent comme un atout indispensable à notre sécurité, ici et à l'étranger, et comme un élément important des opérations multilatérales de maintien de la paix. Une majorité importante de participants favorisent un accroissement des ressources accordées aux Forces canadiennes afin qu'elles puissent disposer de l'équipement nécessaire pour s'acquitter des missions qu'on leur confie. La plupart soulignent également qu'il faut veiller à ce que les Forces armées aient la souplesse nécessaire pour s'adapter aux diverses tâches qu'on attend d'elles. Un participant s'exprime en ces termes à ce sujet :

Les missions humanitaires et les opérations militaires ne s'excluent pas mutuellement. Ainsi, pour répondre à une crise humanitaire qui se produit dans un contexte où le niveau de risque est élevé – dans un État non viable, par exemple – il faut une force apte au combat aussi bien que des travailleurs de l'aide et des organisations humanitaires.

Selon un autre participant,

il importe de réinvestir dans les Forces canadiennes afin d'assurer qu'elles aient les ressources nécessaires pour patrouiller et protéger elles-mêmes nos frontières. Cela exige une capacité opérationnelle classique adaptée à la situation géographique du Canada, en même temps qu'une évaluation réaliste des menaces de l'extérieur et une gestion attentive de nos relations délicates avec les États-Unis dans le contexte des accords de défense du continent et de l'Atlantique-Nord. [...] Ces mesures ne devraient pas être adoptées aux dépens des investissements que nous devons continuer de consacrer au matériel et à la formation nécessaires pour contribuer activement aux opérations de paix des Nations Unies.

Inquiets de la militarisation des affaires internationales, d'autres participants recommandent instamment que le Canada concentre ses efforts sur la recherche de solutions de rechange à l'intervention militaire. Certains craignent par ailleurs une participation éventuelle du Canada aux projets américains de militarisation de l'espace, et nombreux sont ceux qui souhaitent vivement que des efforts accrus soient déployés afin de mettre en place plus rapidement un régime de désarmement plus complet.

En ce qui a trait à la coordination et à la direction des Forces armées canadiennes, certains participants affirment que les décisions relatives aux ressources nécessaires à la modernisation de l'appareil militaire présupposent que le gouvernement énonce en termes clairs les priorités de sa politique étrangère relativement à la paix et à la sécurité internationales, ainsi qu'aux genres de missions que les militaires seraient appelés à remplir. Une autre question souvent évoquée est celle des rapports entre la défense et l'aide internationale; on estime que ces deux volets de la politique étrangère devraient être mieux intégrés lorsqu'ils sont mobilisés en même temps dans le cadre d'opérations de maintien de la paix en zone de conflit.

Consolidation de la paix, désarmement et prévention des conflits

Le Canada peut jouer un rôle plus actif et plus visible dans le règlement et la transformation pacifiques des conflits en se concentrant davantage sur un nombre restreint de conflits, en faisant preuve de volonté politique et en affectant les ressources nécessaires pour un engagement durable.
- Un participant

Les participants ont relevé certains des principaux problèmes dans ce domaine, évoquant notamment des points chauds régionaux tels que la péninsule coréenne, la Tchétchénie, le Congo et la Colombie, de même que l'existence de nouvelles formes de menaces apparues depuis la fin de la Guerre froide, telles la prolifération des armes nucléaires et des missiles à longue portée parmi les régimes hostiles ou d'éventuels réseaux terroristes. Ils souhaitent que le Canada exerce une action plus efficace en vue de réaliser les objectifs de la consolidation de la paix et du désarmement dans des dossiers comme les armes légères, les enfants touchés par la guerre et la non-prolifération. Ils demandent également que le Canada s'emploie à accroître sa collaboration avec les groupes de la société civile et les organisations multilatérales dans des domaines comme l'élaboration de politiques et l'efficacité sur le terrain, particulièrement en ce qui a trait aux opérations de paix après un conflit, alors que de nombreux acteurs et agences sont habituellement sur place. On mentionne notamment le maintien de l'ordre, les réformes judiciaires, les droits de la personne et la gouvernance parmi les domaines où le Canada a démontré ses capacités et pourrait faire davantage dans le cadre des efforts internationaux de consolidation de la paix.

Les avis sont partagés au sujet du recours aux forces militaires canadiennes dans les initiatives de consolidation de la paix, mais certains participants estiment qu'il faut accorder plus d'importance aux stratégies axées sur la prévention de conflits meurtriers. On mentionne notamment à cet égard les systèmes de pré-alerte, les mécanismes de gestion et de règlement des conflits et les programmes d'aide au développement qui s'attaquent aux sources de conflit. Certains participants souhaitent également qu'on amène les organisations non gouvernementales (ONG) compétentes à participer davantage aux activités de paix et de désarmement dans le but de mettre au point des approches plus efficaces, plus cohérentes et davantage axées sur la coopération.

Coopération multilatérale et droit international

La nature même de notre pays et les valeurs qui nous sont chères font que notre gouvernement se doit de pratiquer une politique étrangère qui contribue pleinement à la préservation et à la promotion du droit international et qui appuie des institutions multilatérales de plus en plus démocratiques et progressistes.
- Un participant
La primauté du droit international et la négociation diplomatique à l'intérieur des organismes multilatéraux est la clé de la sécurité, non seulement pour le Canada mais pour la planète entière.
- Un participant

L'un des thèmes évoqués le plus souvent par les participants au Dialogue est que, malgré les problèmes mis en évidence par la crise iraquienne, la coopération multilatérale fondée sur le droit international doit rester un fondement de la politique étrangère du Canada. Vu que bon nombre de problèmes mondiaux ne peuvent trouver leur solution qu'au moyen d'un effort concerté de tous les pays, les participants soulignent l'importance qu'il faut attacher à l'efficacité du système des Nations Unies, eu égard aux dimensions plus générales de la sécurité humaine à l'échelle mondiale.

Par ailleurs, plusieurs participants évoquent les faiblesses et les échecs manifestes du Conseil de sécurité de l'ONU dans le domaine de la sécurité collective, de même que les lacunes évidentes des organismes onusiens chargés des droits de l'homme et du désarmement (certains signalent toutefois que ces échecs sont davantage imputables aux États membres qu'à l'institution elle-même). D'autres soulignent que le Canada possède une connaissance approfondie du système de l'ONU et que sa diplomatie multilatérale jouit d'une grande renommée, ce qui pourrait l'aider à réparer les fissures, à faciliter un développement plus favorable des relations entre les États-Unis et l'ONU et à promouvoir la transformation des institutions.

L'OTAN est un autre organisme multilatéral de sécurité qui se mérite de nombreuses critiques de la part des participants. Certains le considère de moins en moins pertinent, tandis que d'autres se disent préoccupés par les tensions préjudiciables qui se manifestent au sein d'une alliance importante pour les intérêts multilatéraux du Canada. On invoque, ici encore, la proximité des États-Unis, la compétence de nos diplomates et les rapports étroits que nous entretenons avec de nombreux pays européens qui partagent nos vues pour recommander que le Canada prenne les devants dans les discussions sur le rôle et les activités futurs de l'OTAN. Pour pouvoir remplir ce rôle de manière efficace, soutiennent certains participants, le Canada doit développer davantage ses capacités militaires et internationales afin d'accroître sa crédibilité auprès de ses partenaires de l'OTAN.

Plusieurs participants s'intéressent plutôt à l'action du Canada vis-à-vis les volets non militaires de la sécurité collective. Le rôle joué par le Canada relativement à la création de la Cour pénale internationale reçoit un appui vigoureux, mais l'opposition continue des États-Unis à cette institution et à d'autres traités internationaux suscite des inquiétudes. Les participants estiment que le Canada a beaucoup à offrir en ce qui a trait à l'élaboration de normes juridiques internationales efficaces intégrant des valeurs interculturelles et des processus inclusifs. Ils recommandent que le Canada fasse plus pour appuyer la mise en application et le respect des obligations juridiques internationales actuelles (notamment celles qui touchent aux droits de la personne), à la fois en respectant ses propres obligations et en prenant des mesures pour inciter ou aider les autres pays à amorcer des réformes dans les domaines des droits de l'homme et de la gouvernance démocratique. Les participants s'entendent largement pour affirmer qu'à long terme, la réalisation de progrès multilatéraux à ces égards pourra contribuer à la sécurité du Canada et à celle de la planète.

II. Prospérité canadienne et prospérité mondiale

Questions posées dans le document de réflexion :

  • Comment le Canada devrait-il profiter de sa situation géographique en Amérique du Nord pour accroître sa prospérité tout en faisant valoir son identité distincte?
  • Comment le Canada peut-il aider à faire partager les bienfaits de la mondialisation plus largement entre tous les pays du monde et à l'intérieur de ceux-ci?
  • Le Canada devrait-il cultiver de nouveaux partenariats économiques avec des puissances émergentes comme la Chine, l'Inde, le Mexique et le Brésil?

Commerce mondial et régional

Un pays si étroitement lié au marché mondial ne doit pas laisser passer l'occasion de trouver d'autres débouchés pour ses biens et services. [...] Les Canadiens doivent tirer parti de ces débouchés, où qu'ils s'offrent, [...] mais le Canada devrait veiller à ce que cela ne se fasse pas aux dépens d'un client bien établi comme les États-Unis.
- Un participant

La plupart des participants admettent qu'un pays commerçant comme le Canada doit sa prospérité à un système économique international ouvert, stable et prévisible, fondé sur des règles acceptées de tous. La question de savoir si le Canada doit poursuivre la libéralisation des échanges commerciaux et des flux d'investissements internationaux, ou dans quelle mesure il doit le faire, ne va pas sans susciter des controverses. Plusieurs souhaitent une réforme fondamentale des institutions et systèmes économiques internationaux afin que les bienfaits de la mondialisation de l'économie soient partagés plus équitablement. Nombreux sont ceux également qui recommandent des liens stratégiques plus étroits entre la politique étrangère et la politique commerciale, mais d'autres craignent que les considérations commerciales prennent le dessus et en viennent à restreindre l'autonomie de la politique étrangère. De façon générale, les participants reconnaissent toutefois l'importance des relations économiques nord-américaines. Par ailleurs, bon nombre d'entre eux se montrent favorables à l'idée d'élargir et de diversifier les liens économiques du Canada, à la fois parce qu'une dépendance excessive envers le marché américain paraît une stratégie malavisée à long terme et parce qu'il ne faut pas laisser passer l'occasion de profiter des bienfaits éventuellement engendrés par l'élargissement des marchés.

Un certain nombre de participants notent qu'il est plus facile de préconiser la diversification du commerce que de la réaliser, mais on constate un désir évident de promouvoir une présence canadienne plus accentuée en Europe et dans certains pays émergents importants du monde en développement (la Chine, l'Inde, le Brésil et le Mexique sont les plus souvent mentionnés). Ils recommandent que le Canada, y compris le secteur privé œuvrant en collaboration avec tous les paliers de gouvernement, fasse davantage pour tirer parti des débouchés commerciaux outre-mer.

Les opinions varient quelque peu selon les régions quant à la question de savoir où devraient se concentrer les efforts en vue de trouver de nouveaux débouchés pour le commerce et l'investissement; à l'Est du pays, on tend à privilégier les relations euro-atlantiques, tandis qu'à l'Ouest on se tourne plutôt vers l'Asie-Pacifique. Bon nombre de commentateurs précisent comment le Canada devrait tirer parti des liens qui existent déjà avec ces régions, de même qu'avec le reste des Amériques. Ainsi :

Nous devrions chercher à conclure nos propres accords avec des partenaires asiatiques [...] afin de bien montrer aux Asiatiques sceptiques que nous voulons faire des affaires avec l'Asie et les Asiatiques. Nous devrions nous intéresser en priorité aux accords bilatéraux de la prochaine génération, portant non pas sur les tarifs douaniers et les obstacles au commerce, mais sur une libéralisation globale visant l'investissement, les services et les divers secteurs de l'économie du savoir.

Un autre participant s'exprime en ces termes :

Le Canada est un pays qui compte dans les Amériques, et c'est là un atout qu'il importe de ne pas oublier. [...] Ce serait une erreur stratégique que de tourner le dos aux Amériques.

Au-delà des préoccupations régionales, un certain nombre de participants soulignent qu'il faut des politiques intérieures et internationales cohérentes touchant à des questions comme l'immigration et l'innovation, pour faire en sorte que le Canada dispose de la main-d'œuvre scolarisée et qualifiée dont il aura besoin dans l'économie mondiale de demain, concurrentielle et centrée sur le savoir. Plusieurs d'entre eux maintiennent vigoureusement que nous ne pouvons pas nous permettre d'être passifs sur ce point.

Le partenariat économique nord-américain

Le Canada tire actuellement un énorme avantage du fait qu'il se trouve en Amérique du Nord, comme le montrent nos échanges avec les États-Unis Il ne faut pas tenir cette situation pour acquise, mais y voir plutôt une dimension qu'il faut développer. Notre but devrait être d'accroître la sécurité à la frontière tout en favorisant la circulation rapide des biens et des matériaux.
- Un participant
Le Canada devrait prendre l'initiative de proposer à Washington une stratégie nord-américaine, car l'attention des États-Unis se porte ailleurs à l'heure actuelle. [...] Le Canada devrait collaborer avec le Mexique et les États-Unis pour dépasser le plateau atteint dans les relations nord-américaines. [...] Dans quelle mesure pouvons-nous préserver notre liberté d'action, alors que nous dépendons tellement de nos échanges commerciaux avec notre voisin du sud?
- Un participant

Les participants sont conscients de l'importance que revêtent pour la prospérité du Canada les échanges commerciaux avec les États-Unis régis par l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA). Ils conviennent qu'une gestion vigoureuse des relations nord-américaines doit être une des grandes priorités de la politique étrangère canadienne. Les Canadiens s'inquiètent néanmoins des effets que peut avoir une intégration économique plus poussée. Rares sont ceux qui souhaitent que le Canada se retire des accords commerciaux actuels, mais de très nombreux participants sont d'avis que certains aspects de ces accords (notamment les droits des investisseurs privés et les répercussions sur la main-d'œuvre, l'agriculture et l'environnement) doivent faire l'objet d'un examen plus attentif dans les négociations à venir. Certains s'inquiètent par ailleurs de ce qu'ils considèrent comme des compromis relativement aux politiques touchant la frontière ou l'immigration dans les relations bilatérales. Les commentaires issus des milieux d'affaires et des gouvernements provinciaux ont tendance à favoriser une approche plus proactive des négociations canado-américaines, certains souhaitant aller au-delà de l'ALENA. Il n'existe aucun consensus sur la question de choisir entre une négociation globale et une approche plus progressive, mais de nombreux participants estiment qu'il ne faut pas considérer l'accès au marché américain comme un acquis irréversible et que le Canada doit déployer des efforts intensifs sur les plans diplomatique et commercial pour promouvoir ses relations avec son client et partenaire le plus important.

Dans leurs interventions, les gouvernements provinciaux et territoriaux expriment le souhait que le gouvernement fédéral les consulte davantage au sujet des dossiers commerciaux et des négociations bilatérales et multilatérales, particulièrement compte tenu du fait que ces questions ont une incidence de plus en plus grande sur des domaines de compétence provinciale, tels l'environnement, l'éducation et la santé. Certains participants du secteur privé estiment que le Canada doit faire plus pour s'attaquer aux problèmes intérieurs en matière de compétitivité, d'innovation et de promotion du commerce et de l'investissement, afin de pouvoir progresser davantage sur les marchés nord-américains et mondiaux.

Une économie mondiale plus équitable

Le principe de l'équité, le respect des normes internationales relatives aux droits de la personne et la protection de l'environnement naturel devraient toujours régir les échanges internationaux. [...] L'objectif de la politique étrangère devrait toujours être de relever les normes de nos partenaires commerciaux plutôt que d'abaisser nos propres normes afin de les aligner sur les leurs.
- Un participant

De nombreux participants soutiennent que, tout comme il importe de considérer la sécurité des Canadiens comme étant liée de plus en plus étroitement à celle des États et des individus au-delà de nos frontières, notre prospérité doit aussi être envisagée dans la perspective du bien-être économique à l'échelle de la planète. L'une des communications reçues exprime cette idée dans les termes suivants :

La politique étrangère du Canada, notamment en matière d'aide et de commerce, doit tenir compte de façon systématique de l'absence de prospérité des populations pauvres. Elle doit s'attaquer à l'insécurité dont la pauvreté est la cause. Et elle doit promouvoir des valeurs qui contribuent à la justice sociale et à la paix à travers le monde, ainsi qu'au respect des écosystèmes de la planète.
- Un participant

Les interventions touchant les réformes économiques internationales préconisent des mesures propres à favoriser le commerce équitable, soit la mise en place d'institutions, de règles et de pratiques commerciales plus équitables et démocratiquement responsables, la sécurité alimentaire et l'accès aux ressources, la réforme des institutions financières internationales et des politiques d'adaptation structurelle, ainsi que la stabilisation financière et l'allégement du fardeau de la dette des pays les plus pauvres. On accueille favorablement l'initiative prise par le Canada en vue d'ouvrir son marché aux exportations des pays les moins avancés, mais on formule également des critiques envers les pratiques canadiennes dans des domaines comme les exportations d'armes, les pratiques socialement responsables des entreprises actives à l'étranger (notamment dans les zones de conflit) et l'application des normes relatives aux droits de la personne, au travail et à l'environnement dans nos relations avec les autres pays. Certains participants estiment qu'un dialogue constructif est le moyen le plus réaliste de marquer des progrès à cet égard, mais plusieurs autres souhaitent que le Canada fasse preuve de plus de fermeté pour rappeler à nos propres gouvernements, agences d'exportation et entreprises, ainsi qu'à nos partenaires, qu'ils doivent souscrire aux normes reconnues à l'échelle internationale.

Les opinions divergent en ce qui a trait aux orientations globales de l'économie mondiale. Certains participants affirment que la poursuite de la libéralisation économique stimulera la prospérité au Canada et contribuera à la croissance de l'économie mondiale tout en étant compatible avec les besoins sociaux et environnementaux. À l'inverse, de nombreux intervenants contestent cette notion et réclament des garanties assurant la conformité des accords économiques internationaux avec les droits de la personne, la diversité culturelle et la viabilité de l'environnement, de même que des mesures protégeant expressément les services publics essentiels au Canada (notamment l'assurance-santé et l'éducation). Certains recommandent même que nous examinions toutes les relations économiques internationales du point de vue des droits de l'homme et du développement démocratique, reflétant ainsi l'opinion suivant laquelle la confiance du public envers la valeur de la mondialisation ne se maintiendra que si ses bienfaits sont partagés de manière équitable.

Efficacité de l'aide internationale et de la coopération pour le développement

Pour commencer, le Canada devrait au minimum s'efforcer d'atteindre les buts fixés par les Nations Unies dans les Objectifs de développement du millénaire, notamment la réduction de moitié d'ici 2015 du nombre de personnes qui vivent dans la pauvreté. [...] Le Canada devrait tenir ses propres engagements en matière d'aide extérieure en se fixant des cibles et des horizons, tout en encourageant les autres pays industrialisés à en faire autant. [...] Le Canada doit veiller à ce que ses politiques relatives au commerce international et à l'APD tiennent compte du point de vue des organisations locales de la société civile et des organismes d'État en ce qui concerne la préservation des économies et des services locaux.
- Un participant

Dans l'ensemble, les participants au Dialogue sont nettement favorables à un accroissement de l'aide publique au développement (APD) et ils saluent la reprise des investissements du gouvernement dans ce secteur. Compte tenu de la baisse des niveaux d'APD observée au Canada ces dernières décennies comparativement à d'autres pays donateurs, certains réclament une augmentation plus forte et plus rapide afin de regagner le terrain perdu. L'élimination de la pauvreté, la justice sociale, les droits de la personne, la gouvernance et le développement durable sont les objectifs privilégiés par les intervenants. On préconise une concentration accrue de l'aide dans des domaines correspondant aux principaux atouts du Canada, tels que l'éducation et la formation, la santé, l'agriculture, les infrastructures et les technologies de l'environnement. Certains continuent de reprocher à l'aide canadienne de rester trop liée à des considérations économiques intérieures et à des conditions touchant à l'adaptation structurelle plutôt qu'au respect de normes reconnues et à des priorités axées sur l'être humain, établies conjointement avec les pays en développement et les partenaires de la société civile. Pour certains participants, il est impératif d'orienter une plus grande partie de l'aide vers des besoins urgents, notamment la santé publique. On rappelle par ailleurs que les Objectifs du développement du millénaire et les initiatives comme le Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique (NEPAD) ne pourront être couronnés de succès que si l'on s'attaque plus résolument à la pandémie du sida par l'entremise de mécanismes comme le Fonds mondial et si l'on exerce des pressions à l'OMC en vue d'abaisser les prix des médicaments en faveur des pays pauvres.

Les participants accueillent favorablement les efforts déployés par le Canada en vue d'améliorer l'accès des exportations des pays en développement et de leur apporter une aide financière au chapitre du commerce, mesures propres à contribuer à un partage plus équitable des retombées du commerce mondial. Certains craignent toutefois que le « Programme de Doha pour le développement » adopté par l'OMC ne suffise pas à répondre aux besoins des pays en développement et constatent qu'il s'enlise. Ils considèrent que le succès du cycle de Doha se mesurera aux progrès accomplis en vue de réduire les préjudices causés par les subventions agricoles des pays riches tout en répondant aux besoins des pays pauvres en sécurité alimentaire. Enfin, de nombreux interventions soulignent que le Canada doit se doter d'un cadre plus cohérent pour la coopération en matière de développement international, c'est-à-dire un cadre établissant des priorités pour l'aide et le commerce et reliant les divers éléments et instruments des politiques de façon à éviter que ces dernières poursuivent des fins contradictoires.

Mondialiser le développement durable

La prospérité doit s'entendre à long terme. Nous ne pouvons avoir tout ce que nous voulons aux dépens des choses dont nous avons besoin. Sinon, nous risquons une désintégration environnementale et sociale totale. Les Canadiens doivent l'entendre et le comprendre, puis changer de comportement. Cela fait partie intégrante des relations internationales canadiennes. Nous ne pouvons pas, dans le village planétaire que nous ayons, continuer de piller le patrimoine de l'humanité. La viabilité de l'environnement n'est plus le problème des autres.
- Un participant

Plusieurs participants au Dialogue recommandent que le développement durable soit intégré plus étroitement à la politique étrangère du Canada, car les contraintes qui pèsent sur les écosystèmes mondiaux soulèvent des questions fondamentales quant à la viabilité du modèle classique d'une économie axée sur la croissance. Un intervenant affirme, par exemple :

Il faut que le « pilier » de la prospérité s'accorde avec ce que nous savons des limites de la croissance sur une planète dont l'écologie est finie.

Face au changement climatique et à la surexploitation des richesses naturelles, il faut gérer de façon plus durable les tendances de la production et de la consommation. On cite en exemple les répercussions actuelles du changement climatique dans l'Arctique canadien, qui ont mené au lancement de la coopération circumpolaire faisant appel aux peuples autochtones par l'entremise du Conseil de l'Arctique, et inspiré les éléments relatifs au développement durable qui se trouvent au cœur de la « dimension nordique » de la politique étrangère du Canada. Certains participants recommandent que le Canada donne l'exemple en veillant à ce que les accords commerciaux respectent les principes de la viabilité, et qu'ils tirent parti de la mise au point des nouvelles technologies environnementales.

III. Diffusion des valeurs et de la culture canadiennes

Questions posées dans le document de réflexion :

  • Le Canada doit-il continuer de promouvoir dans le monde les valeurs que sont les droits humains, la démocratie, le respect de la diversité et l'égalité des sexes? Si oui, quelles sont les meilleures façons de le faire?
  • Le Canada devra-t-il rechercher des occasions de favoriser le dialogue interculturel et la compréhension interconfessionnelle dans le monde?
  • Quels sont les meilleurs moyens pour le Canada de faire connaître à l'étranger sa culture et son expérience?

Partager nos valeurs et notre expérience

Nous ne pouvons préserver nos valeurs et notre qualité de vie si nous ne défendons pas ces valeurs à travers le monde. Le Canada n'est pas une « île » et nous ne pouvons pas vivre isolément. Nous devons être plus conscients de notre interdépendance totale et nous efforcer, au sein de différentes instances internationales, de faire connaître les valeurs canadiennes à l'étranger.
- Un participant
À une époque où le Canada se bat pour affirmer ses priorités dans un monde dominé par les États-Unis, de plus en plus isolés, il pourrait, en mettant l'accent sur les principes de la démocratie – responsabilisation, transparence, tolérance, multipartisme, élections justes, égalité des sexes et respect des droits de la personne – se démarquer et proposer un cadre conceptuel et organisationnel pour bon nombre de ses initiatives et programmes actuels. Il serait bon également de promouvoir à l'étranger le régime fédéral canadien, expérience unique en son genre et qui a fort bien tourné.
- Un participant

La grande majorité des participants au Dialogue souhaitent que la présence du Canada sur la scène internationale soit à l'image de nos valeurs essentielles et de la diversité de notre société. Il importe, a-t-on souligné, que ce troisième pilier de la politique étrangère canadienne soit renforcé, compte tenu des transformations en cours à l'échelle mondiale :

On pourrait fort bien considérer les valeurs canadiennes comme un atout et un modèle singuliers que le Canada peut offrir à l'humanité au moment où l'insécurité se propage de plus en plus en raison des clivages religieux, culturels, sociaux et économiques.

Certains font ressortir le caractère complexe du fédéralisme canadien et l'hétérogénéité croissante de la population, et soulignent que notre expérience du pluralisme démocratique pourrait offrir des pistes de progrès à des sociétés multi-ethniques qui cherchent à surmonter les clivages et la violence; on mentionne notamment le Sri Lanka, où le Canada a déjà commencé à jouer un rôle de cet ordre. Dans l'ensemble, les participants souhaitent que les valeurs canadiennes soient intégrées à notre politique étrangère afin qu'elle soit pleinement ouverte à la fois à notre propre diversité nationale et à celle de la communauté mondiale, et qu'elle puisse engager un dialogue respectueux avec les autres pays et les autres cultures. Plusieurs participants font également remarquer que notre influence internationale gagnera en crédibilité et en efficacité en affichant un bilan plus positif en ce qui a trait à la promotion de la place des femmes, des minorités visibles, des personnes handicapées, des Autochtones et des communautés d'immigrants dans la société canadienne. La plupart soulignent que le dialogue interconfessionnel peut favoriser la réflexion au Canada et ailleurs sur des questions qui suscitent de grandes préoccupations à travers le monde.

Promouvoir notre culture et les études internationales

Le cinéma, la chanson, le théâtre et les arts visuels sont autant de cartes de visite plus originales les unes les autres. Les artistes qui les ont créées sont les représentants de notre société pacifique, multiculturelle, respectueuse et accueillante. La promotion à l'étranger des arts produits par des Canadiens est une façon non invasive de montrer notre société.
- Un participant
L'enseignement supérieur et la coopération des chercheurs au niveau international transforment les forces de la mondialisation à l'avantage des sociétés.
- Un participant

Nombreux sont les participants qui reconnaissent la valeur de la diplomatie culturelle dans les relations internationales du Canada et qui estiment que le profil élevé des artistes canadiens de par le monde peut donner accès à un grand nombre de nouveaux débouchés susceptibles d'engendrer des bienfaits à long terme. Un participant souligne que ce genre de diplomatie culturelle

offre au Canada un des moyens les plus efficaces de se faire entendre à l'étranger [...] car il crée une image positive de notre pays dans les médias étrangers et parmi les personnalités influentes et les décideurs du monde des affaires, du secteur public, des milieux politiques et universitaires, et du monde des arts.

Les participants estiment aussi que les arts et la radiodiffusion publique, ainsi que les échanges d'universitaires, de jeunes, d'étudiants et autres échanges de personne à personne, sont des outils importants pour faire connaître le Canada à travers le monde et pour mettre le monde à la portée des Canadiens. Certains préconisent par ailleurs une augmentation appréciable des ressources consacrées à la promotion des activités et des organisations artistiques à l'étranger, notamment en faveur des communautés autochtones et culturellement diverses du Canada; il convient de donner à cet appui élargi une place plus importante dans les priorités, l'organisation et les activités du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (MAECI) afin de faire ressortir qu'il fait partie intégrante des objectifs de la politique étrangère canadienne.

En ce qui a trait à la promotion de l'éducation et du savoir, un participant rappelle que les échanges bilatéraux d'étudiants

favorisent l'entente interculturelle et interconfessionnelle, contribuent à la diffusion des valeurs canadiennes, permettent de développer des contacts commerciaux et professionnels pour l'avenir et véhiculent une image plus moderne du Canada.

Les participants au Dialogue s'inquiètent toutefois des coûts et des niveaux de soutien financier, du financement des bourses d'études et des effets défavorables de l'exode des cerveaux des pays en développement ou vers d'autres pays industrialisés. Ils font d'utiles suggestions, proposant qu'on fasse davantage pour appuyer les études canadiennes à l'étranger et les études en développement international au Canada, pour promouvoir l'accès aux produits éducatifs et culturels canadiens et pour lancer des activités organisées conjointement avec divers organismes d'éducation internationaux. La coopération internationale au niveau des universités et des instituts de recherche est perçue comme un moyen d'approfondir notre compréhension des défis que doit relever la politique étrangère canadienne et d'établir des contacts à travers le monde. On recommande de mettre sur pied des programmes d'échanges destinés à promouvoir la compréhension mutuelle entre universitaires canadiens et américains, et de faire appel à l'Organisation universitaire interaméricaine pour accroître la mobilité des étudiants et du personnel enseignant et pour développer les connaissances interculturelles et les compétences linguistiques.

Faire connaître le Canada à travers le monde

Les stéréotypes abondent, et tous ont tendance à propager une image réductrice du Canada. Il y a un besoin évident de promouvoir et développer une perception plus large, capable de faire connaître et comprendre les modèles de valeurs et les modèles culturels du Canada.
- Un participant

Le Canada jouit d'une image favorable sur la scène internationale, mais plusieurs participants se disent préoccupés par le fait que son profil à l'étranger est peu relevé ou ne correspond plus à la réalité; ils affirment que nous devons moderniser cette image et définir en termes plus claires les éléments de la perception que nous voulons projeter. Certains souhaitent que des campagnes de promotion et d'information soient lancées dans des marchés clés et que la présentation de nos valeurs et de notre culture soit plus imaginative. C'est là un point que soulèvent également les gouvernements provinciaux, qui recommandent la création d'une « image de marque » présentant le Canada comme une destination de choix pour les partenaires économiques, les visiteurs, les étudiants et les immigrants qualifiés. Un intervenant propose de faire mieux connaître le Canada en faisant appel aux quelque 7 000 spécialistes en études canadiennes à travers le monde, dont l'influence s'étend à un grand nombre d'étudiants, de médias et de publics étrangers. Il est également recommandé qu'on élargisse les programmes de stages, de partenariat, d'échange et autres, en concertation avec les gouvernements, les parlementaires, les associations privées et les ONG.

Accentuer la présence du Canada sur la scène internationale

Le Canada conserve une excellente réputation internationale. Cette réputation risque toutefois de s'effriter si nous ne mobilisons pas les ressources nécessaires pour apporter des contributions de fond dans des domaines comme les capacités militaires, l'aide au développement et les capacités au niveau de la formulation des politiques.
- Un participant
Nous devons définir l'« avantage canadien ». Le Canada doit combattre la fragmentation actuelle des messages et des activités, alors que, chacun de son côté, les ministères fédéraux et les provinces font leur propre promotion sur la scène internationale et poursuivent des politiques qui ne sont pas coordonnées. Il est plutôt ironique de constater qu'à l'ère de l'interdépendance mondiale, un si grand nombre de nos initiatives sont menées isolément les unes des autres.
- Un participant

Certains participants au Dialogue, conscients de la nécessité de renforcer le rôle global du Canada dans l'arène internationale, font remarquer qu'il faudra mobiliser beaucoup plus de ressources et de capacités pour promouvoir ses valeurs et ses intérêts et pour appuyer des partenariats bilatéraux et multilatéraux crédibles. Ils soulignent que l'effet cumulatif des compressions budgétaires du passé n'a pas encore été corrigé et que, de ce fait, la politique étrangère canadienne ne pourra atteindre ses objectifs sans des réinvestissements appréciables dans la diplomatie, la défense et l'aide au développement. On recommande notamment que soient accrues les ressources et les capacités du MAECI tant du côté de la formulation des politiques que des missions à l'étranger.

De nombreux participants encouragent aussi le gouvernement à chercher à accroître la cohérence des politiques des différents ministères et organismes qui appuient les relations du Canada avec l'étranger. Parmi les éléments qui méritent une attention toute particulière, on cite notamment les relations entre le MAECI, l'Agence canadienne de développement international et le ministère de la Défense nationale. On préconise également une cohérence accrue des politiques touchant le commerce international, l'aide au développement, l'environnement et le développement durable. D'autres participants insistent sur l'importance d'établir des partenariats au Canada même avec les autres paliers de gouvernement et avec les organisations de la société civile. Les gouvernements provinciaux et territoriaux rappellent la nécessité de mettre en place des mécanismes axés sur le fédéralisme coopératif pour élaborer des stratégies internationales efficaces. Il importe de coordonner davantage tous ces instruments et tous ces points de décision pour permettre au Canada de parler d'une seule voix et de jouer son rôle sur l'échiquier mondial.

Enfin, les Canadiens soulignent qu'ils attendent du gouvernement qu'il prenne les devants afin de définir des politiques claires et de fournir les ressources et la coordination nécessaires pour les appuyer. Plusieurs initiatives ont déjà été lancées pour accroître la cohérence des politiques des ministères fédéraux à l'égard de tous les aspects des affaires internationales du Canada. Au sein même du MAECI, les ressources et les affectations font aussi l'objet d'un examen attentif.

Au cours des mois qui viennent, les avis que nous avons reçus des citoyens du Canada éclaireront la formulation des orientations futures de sa politique étrangère. La quantité et la variété de ces avis témoignent de l'intérêt des Canadiens pour les affaires internationales; elles témoignent aussi de la vigueur de notre démocratie. Les participants au Dialogue ont beaucoup fait pour aider à définir une stratégie axée sur la sécurité et la prospérité du Canada et de la communauté mondiale.