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Assemblées publiques >> Rapports sommaires >> St. John's

Rapport sommaire

Consultation publique du ministre Graham

Halifax (Nouvelle-Écosse), le mardi 4 mars 2003

L'honorable Bill Graham, ministre des Affaires étrangères, a tenu une assemblée publique à Halifax (Nouvelle-Écosse), à l'université St. Mary, dans la soirée du 4 mars 2003. Don Connolly, journaliste de CBC radio, animait les débats. Mme Edna Keeble de l'université St. Mary, M. Neville Gilfoy du Progress Magazine et président élu de la Chambre de commerce de l'Atlantique ainsi que M. Dennis Stairs de l'université Dalhousie ont respectivement présenté dans de brèves allocutions les trois piliers de la politique canadienne : sécurité, prospérité et valeurs et culture. Les participants ont été invités à exprimer leur opinion et le ministre a répondu à des groupes de questions (certaines des réponses figurent ci-dessous). Le ministre et l'animateur ont également incité les participants à contribuer au Dialogue sur la politique étrangère dans le groupe de discussion sur Internet (www.foreign-policy-dialogue.ca ou www.dialogue-politique-etrangere.ca). En introduction, le ministre Bill Graham a exposé les changements survenus dans l'équilibre international depuis le dernier examen de la politique étrangère en 1994-1995 (notamment l'évolution de la question de la sécurité depuis les attaques terroristes du 11 septembre, l'émergence des États-Unis à titre de superpuissance incontestée, la possibilité pour le Canada de devenir une nation des Amériques) qui justifient un nouvel examen de certaines facettes de la politique étrangère du Canada. Il a déclaré que la crise irakienne réactualisait de nombreuses questions pour notre pays : nos relations avec les États-Unis, nos moyens d'exercer une influence sur les États-Unis et le rôle des institutions multilatérales (parmi bien d'autres).

Sécurité

Exposé liminaire sur la sécurité : Mme Edna Keeble, université St. Mary

Mettant en parallèle la conception canadienne de la sécurité et celle des États-Unis, Mme Keeble relevait que le Canada mise sur la collaboration avec ceux qui partagent ses idées, sur la recherche des causes profondes des conflits (comme la marginalisation économique) et qu'il se soucie du bien mondial (et non uniquement national), tandis que les États-Unis s'allient à une coalition de pays consentants (s'il s'en présente, mais qu'en cas contraire ils avanceront seuls). Ces derniers optent pour des solutions unilatérales, exceptionnelles, et sont prêts à user de leur puissance militaire pour des buts nationaux et à lancer des frappes préventives.

Durant l'assemblée publique, l'éventualité de la guerre contre l'Irak a constitué le principal sujet de discussion, la majorité des personnes exprimant leur opposition à celle-ci. Un participant faisait valoir que la guerre ne mène pas à la paix et que les activités de maintien de la paix étaient inadéquates pour assurer la sécurité. Le Canada devrait faire respecter la Charte des Nations-Unies et les droits de la personne, et il faudrait financer le développement international (plutôt que la sécurité [militaire]) afin de réduire la pauvreté et les inégalités. Un autre participant rappelait que des millions d'Irakiens étaient morts des suites des sanctions, et un autre demandait comment le Canada envisageait de résoudre la crise humanitaire en Irak (sous sa forme actuelle et celle qui surgirait après la guerre).

Selon un participant, les arguments d'utilisation d'armes de destruction massive et de violation des résolutions du Conseil de sécurité qui servent de justification à une guerre contre l'Irak soulevaient la question de l'attitude à adopter avec d'autres pays, notamment Israël, qui possède également des armes de destruction massive et a également violé des résolutions du Conseil de sécurité. Cette personne a fait valoir que le traitement différent dont bénéficie Israël est perçu par le monde musulman comme étant de l'hypocrisie et la preuve d'un jugement "deux poids deux mesures". Il faudrait appliquer les résolutions du Conseil de sécurité uniformément à tous les pays. Une autre personne cherchait à savoir quelles seraient les conséquences pour les États-Unis s'ils s'engageaient unilatéralement sans l'aval du Conseil de sécurité de l'ONU (dans une guerre illégale). Une autre demandait si le Canada n'était pas déjà impliqué dans une guerre sans l'aval du Conseil de sécurité (et se trouvait donc en infraction au droit international) du fait de l'envoi de navires de guerre dans le golfe Persique (le HMCS Iroquois et le HMCS Fredericton devaient appareiller le lendemain pour le golfe Persique).

Deux participants s'inquiétaient de l'intégration croissante du Canada, du point de vue économique, militaire et de la sécurité générale (par exemple en matière d'immigration, de profilage racial et de politique de sécurité intérieure) aux États-Unis, au point où on pouvait craindre que les relations bilatérales avec les Américains amèneraient le Canada à abandonner sa position de moyenne puissance et sa préférence pour les solutions multilatérales dans les relations internationales. Nombre de participants ont insisté sur le fait que le Canada devait maintenir une politique étrangère distincte de celle des États-Unis.

Le ministre Bill Graham a fait remarquer que le comportement passé de Saddam Hussein (invasion du Koweït et de l'Iran, et utilisation d'armes de destruction massive contre son propre peuple) prouve qu'il représente un danger. Ce danger était toutefois pris en charge par l'ONU, un organisme international légitime. Il a reconnu que les conséquences des sanctions sur la population civile préoccupaient tout le monde, mais il a fait valoir que l'imposition des sanctions avait été une décision difficile mandatée par l'ONU. Selon le ministre, une intervention unilatérale de la part des États-Unis pourrait miner la crédibilité de l'ONU et marginaliser le pouvoir du Conseil de sécurité. Par ailleurs, il déclarait que les navires canadiens se rendaient dans la région du Golfe afin de soutenir l'action canadienne en Afghanistan. Et enfin, si le Conseil de sécurité donnait son accord à une intervention militaire en Irak, le Canada appuierait la décision de l'ONU : "s'il y a une opération mandatée par l'ONU, le Canada sera là".

Le ministre Bill Graham admettait que la résolution du conflit israélo-palestinien était un besoin criant. Mais il faisait remarquer que, même si le Canada avait travaillé à la recherche d'une résolution du conflit, il était impossible d'imposer une solution, celle-ci devant être atteinte par les parties prenantes elles-mêmes. En ce qui concerne le rôle tenu par les militaires canadiens dans le maintien de la paix, le ministre a affirmé qu'il était important et leur valait le respect; il a racontait avoir entendu lui-même, lors d'un voyage en Bosnie, les commentaires d'appréciation de la part de groupes locaux sur l'attitude canadienne en matière de maintien de la paix. Nous fournissons également des services complémentaires de police, nous assurons la formation de juges et contribuons de bien d'autres façons à la paix. Par ailleurs, il a répondu n'avoir pas eu connaissance de cas de profilage racial au Canada. Le projet de loi C-36 était une réponse au besoin de sécurité des Canadiens et la Charte nous protège contre les abus.

Prospérité

Exposé liminaire sur la prospérité : M. Neville Gilfoy, du Progress Magazine et président élu de la Chambre de commerce de l'Atlantique

M. Gilfoy a rappelé à l'assemblée l'importance cruciale pour notre économie des exportations canadiennes vers les États-Unis. L'étroite intégration des économies des deux pays oblige le premier ministre à établir des relations efficaces avec notre voisin. Le Canada doit être considéré comme le conseiller de confiance le plus influent des États-Unis, et nous devons accroître notre influence à Washington de façon à mieux pouvoir agir sur l'orientation des politiques américaines. De plus, nous devons mettre en valeur l'image d'un Canada tolérant, d'un pays riche en ressources et en possibilités, attirant pour les immigrants.

Les intervenants dans l'assemblée ont fait remarquer que la prospérité ne devait pas uniquement être définie comme économique, mais aussi comme étant un environnement stable, dans lequel on pouvait vivre, avoir accès à la nourriture, à l'eau, à un abri, aux soins médicaux, à l'éducation et à tous les biens nécessaires à une bonne qualité de vie. Certains ont réclamé une augmentation de l'aide extérieure fournie par le Canada pour qu'elle atteigne l'objectif de 0,7 % du PIB, et l'annulation de la dette des pays du Tiers Monde envers le Canada.

Les échanges au sujet de la prospérité ont principalement porté sur les incidences qu'ont la mondialisation, les ententes commerciales néolibérales et l'expansion des relations commerciales avec les pays en voie de développement sur l'enrichissement des multinationales au détriment des pays en voie de développement. Un participant estimait que le Canada avait perdu son indépendance du fait de ces ententes commerciales, et un autre que l'ALENA avait été négatif pour notre pays. Certains ont exprimé leur inquiétude devant les conséquences de ce commerce sur les droits de la personne et sur l'environnement, puisqu'il encourageait le maintien de salaires injustes et le recours au travail des enfants. L'un des participants a demandé comment il était possible d'obtenir que les ententes commerciales (notamment l'Accord sur la promotion et la protection des investissements) garantissent de justes pratiques commerciales sans enfreindre les droits de la personne ni dégrader l'environnement. Un autre était d'avis que les États-Unis fermaient commodément les yeux sur la clause démocratique de l'OEA et de ce fait pouvaient affirmer que la tentative de coup d'État du mois d'août au Venezuela n'était pas illégale. Il en concluait que cette clause de l'OEA n'était "qu'un bâton avec lequel on pouvait battre Cuba".

Un dernier participant se demandait pourquoi, sur la récente subvention de 100 millions de dollars versée à six pays africains, rien n'était allé à l'Érythrée.

Le ministre Graham a répondu qu'en effet l'aide du Canada à l'étranger était trop faible, et qu'en conséquence le montant de cette aide allait être augmenté de 8 % par année (et doublerait en dix ans). Par ailleurs, le Canada tentait d'accélérer le calendrier de développement des pays d'Afrique par le biais du Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique (NEPAD) ainsi que d'une aide extérieure favorisant une bonne gestion. Enfin, le Canada a réduit ses tarifs douaniers et ouvert ses marchés aux produits des trente pays les plus pauvres. Le ministre a fait remarquer qu'à titre d'exemple du changement d'attitude du gouvernement, le Sommet des Amériques de Québec ne portait pas seulement sur le commerce, mais également sur la formation de meilleures sociétés en Amérique latine, en mettant l'accent sur la démocratie, les droits de la personne, les droits des travailleurs, les soins de santé et d'autres questions similaires. De même, la ronde de négociations de l'OMC à Doha est aujourd'hui appelée * la ronde du développement" précisément parce qu'elle s'occupe de ces questions de développement. Il a affirmé que le Canada collabore avec les entreprises du pays afin de promouvoir des pratiques commerciales saines à l'étranger et une attitude socialement responsable de la part des entreprises. Le ministre ne croyait pas que le Canada pouvait influencer les États-Unis simplement en faisant ce qu'ils attendaient de nous. Il rappelait que les deux pays avaient eu des divergences auparavant, notamment au sujet de la guerre au Vietnam, tout en maintenant des relations commerciales amicales.

Valeurs et culture

Exposé liminaire sur les valeurs et la culture : M. Dennis Stairs, université Dalhousie

M. Stairs s'interrogeait sur la politique étrangère du Canada : devait-elle assurer l'exportation des réalisations intellectuelles, académiques et culturelles canadiennes? Il soulignait par ailleurs le déclin du financement dans ce domaine. L'aide à l'étranger, qui est une expression de nos valeurs, a également fait l'objet (jusqu'à récemment) de coupures budgétaires répétées. Il a fait (ironiquement) remarquer que si les Canadiens semblent estimer que leur politique étrangère devait refléter les valeurs canadiennes, cela impliquait que la politique étrangère des autres pays n'était pas fondée sur des valeurs, mais plutôt sur quelque chose comme leur intérêts.

De l'avis des participants, la politique étrangère canadienne devrait refléter notre engagement envers le multilatéralisme, la démocratie et les droits de la personne, notre compassion pour autrui ainsi que notre volonté d'assurer pour tous les peuples l'accès à la nourriture, l'eau, un toit, les soins médicaux, l'éducation, l'emploi et un droit de regard sur leur propre avenir. Un participant estimait que la politique étrangère actuelle ne prenait pas suffisamment en compte les arts et la culture.

Le ministre a répondu que notre système de mise en valeur de la culture ne vise pas à promouvoir uniquement des produits culturels mais également nos valeurs telles que la saine gestion publique, la tolérance devant la diversité et peut-être le recours à notre fédéralisme et à notre Charte des droits qui peuvent devenir des modèles pour d'autres.